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Charte révolutionnaire…

Charte révolutionnaire…

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Charte révolutionnaire en forme d’abécédaire contre le parc urbain généralisé et servant de mode d’emploi à la réalisation de nos attentats poétiques, à compléter par ceux qui luttent.*


Anagramme initiatique

Après la phénoménologie de l’esprit vient celle des tripes. La poétique, qui jusqu’à présent s’est contentée de singer l’état de la certitude sensible, devra poser sur son étal de la saucisse de Toulouse. Comme l’a presque dit le philosophe, «Le Dasein est dans la saucisse».

B to B

Le marketing urbain veut cerner la ville par des cibles. Tout élu convaincu de marketing urbain mérite d’être lapidé à coup de Banettes molles, avant d’être pendu à une franchise commerciale H&M designed by Jean Nouvel©.

Commerce (nécessairement «petit»)

On distinguera la crotte de chien sur le trottoir comme le référent absolu de l’aire de chalandise urbaine. On portera une attention moindre à la crotte du caniveau.

Dynamisation

Les «cœurs de ville» alignent leurs coins sur une seule perspective… nécessairement piétonne et sans issue (cf. ‘H’ comme Havre de paix sociale). Le coin de rue ne sera plus au coin, mais au centre. Dépouillé de tout caractère central, le centre-ville ne sera plus qu’un espace de transition entre les coins.

Espaces verts

Comme l’a presque dit le poète, «Dans la ville sous vide, les planctons sonnent le glas du pavé». Le pépin n’est pas l’avenir de l’arbre. De légitimes initiatives démocratiques d’arrachage volontaire s’opposeront à l’expérimentation, en plein bitume, des cultures venues des serres municipales.

Facile à trier

Les consignes de tri de la ville sous vide s’arrêtent lorsque des mains de poupées sont déposées devant les poubelles. À ce signal, des roulettes de skateboards ajustées sur les bacs jaunes faciliteront le nomadisme des déchets.

Germes

Sont instituées des flash-mobs gastriques, par lesquelles les urbains sympathisants à la cause mènent des actions de sape révolutionnaire dans les fast-foods. Des vomitifs de dernière génération sont discrètement distribués aux membres du commando après l’ingestion de quatre à cinq burgers. La phénoménologie des tripes vaincra!

Havre de paix sociale

Un piéton était un cadavre en suspension, car ses racines plongeaient dans le ciel… jusqu’à ce que fleurissent les galeries marchandes. La piétonisation désigne ainsi l’extension du cimetière urbain. C’est le stade avancé du parc généralisé comme entreprise funéraire (cf. ‘P’ comme Parc). Y apporter une couronne.

Influence (trafic)

Le cycliste est un urbain anémié qui cède aisément aux sirènes du parc généralisé. Une fois dépisté, son zèle est habilement employé aux fonctions de basses manœuvres et de maintient de la dispersion bourgeoise dans le flux, notamment quand il devient cycliste tire-bouchon. L’urbain doit exercer sa vigilance contre les brigades de cyclistes tire-bouchon.

Joie

Comme l’a presque écrit Spinoza, «Un urbain libre ne pense à aucune chose moins qu’au parc, et sa sagesse est une méditation non du parc mais de la ville» (cf. ‘P’ comme Parc).

Kolkhoze

Entre une AMAP et un marché de Noël, l’urbain acquis à notre cause ne verra aucune différence majeure. L’AMAP, c’est Santa Claus chez les Soviets.

Léonine (clause)

Il n’y a pas de droit au paysage, il n’y a que la corruption des souliers. Qualifie, dans les éco-quartiers, un droit de regard sans vis-à-vis.

Modal (report)

Les interventions poétiques dans le métro — pas nécessairement gastriques — invitent les usagers à se rabattre sur le bus. Du bus, au tram, du tram à l’automobile, de l’automobile au vélo, du vélo aux patins à roulettes, etc. En poursuivant sans répit les usagers de notre guérilla poétique, ils disparaissent en tant qu’usagers et deviennent urbains, comme l’enseigne la phénoménologie des tripes, qui décrit en précision tous ces mouvements de subsomption. Ainsi, comme l’a presque brillamment enseigné le philosophe, «Le concept de station subsume celui de déplacement, comme le concept de vélo subsume le concept de piéton et celui de mou celui de corde à nœuds».

Nuisances

Le parc généralisé oppose à la phénoménologie des tripes une synesthésie dont tous les ressorts sont contrôlés et provoqués par des événements choisis, distribués dans un «parcours». L’urbain acquis à la cause parasitera ce jeu de piste en y introduisant des signes contradictoires. Par exemple, en plantant des drapeaux révolutionnaires dans les aires de chalandise urbaine (cf. ‘C’ comme Commerce).

Ornement et crime

Le pastiche ou l’ornemanisme moderne est la figure pathologique du parc comme théorie architecturale. L’ornement est la preuve que le parc constitue une régression sensible. De là vient la chute célèbre d’un presque roman: «(…) Alors, les jeunes mariés s’échangèrent leurs digicodes» (cf ‘R’ comme Rest in peace).

Parc

Le parc désigne le processus d’aliénation de la ville aux urbains. Le parc généralisé est le stade avancé et ultime d’une longue histoire de la gouvernementalité urbaine. Toute lutte contre le parc est une poétique, pour laquelle «tout se résume dans l’Esthétique et l’Économie politique», comme l’a vraiment dit avant nous Stéphane Mallarmé.

Qualification

L’espace sans qualité sert de réceptacle à nos révoltes linguistiques. La rénovation urbaine veut qualifier des espaces pour y enfermer à nouveau les gens «sans qualification particulière». Afin qu’ils se taisent.

Rest in peace

Le premier qui ayant enclos une résidence s’avisa de dire: «ceci est mon Monné-Decroix», et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le plus grand malfaiteur du genre urbain et le vrai fondateur du parc généralisé.

Sûreté élémentaire

La surveillance est assurée par les pigeons-caméras, qui contribuent au sentiment de sécurité. Dans le parc, les pigeons-caméras n’ont pas de prédateur. C’est pourquoi une régulation démographique par la stérilisation s’impose. Il est interdit de nourrir les pigeons-caméras.

Tinettes

Toujours se rappeler, comme d’une métaphore du mobilier urbain, celles de la Bastille, qui «sont trop haut perchées» pour pisser comme il faut sans en mettre à côté, comme le rappelle opportunément Blaise Cendrars.

Uniformité

Il est interdit de déclarer étranger ce dont l’étrangeté vous touche. Aime ton lointain, surtout en centre-ville, où les puissances de nivellement du parc sont particulièrement intenses.

Vases communicants

Tous les premiers vendredis du mois à neuf heures, l’urbain qui était dit usager par les autorités organisatrices de transport se poste à un nœud de communication stratégique. Il débute là, sans raison apparente, une parade de résistance au comptage des usagers. Bientôt, ceux qui le rejoignent font masse, au point de rendre hors d’usage la voie de communication. La protestation silencieuse se dissout d’elle-même, sans raison apparente, pour se recomposer ailleurs, en général avant que les autorités ne dépêchent sur place une brigade de cyclistes tire-bouchon.

Watteau

Toujours privilégier nos embarquements pour Cythère à leur «politique culturelle».

Xanax

Le régime du parc généralisé ne fonctionne qu’avec le postulat de l’unité de temps spectaculaire marchand. En dehors de la période qui va de l’heure d’ouverture des boulangeries jusqu’à la fermeture des débits de boisson, son Office de la tranquillité prend le relai. Il faut amener la guerre des temps dans le champ de la lutte des places.

Yvette Horner

On se méfiera du slogan de la «vitalité du tissu associatif local» comme satisfecit «politique» du parc. C’est comme si nous entendions un mélodieux flonflon musette à l’entrée d’une boîte de rock.

Zone, ou de la vertu

Qui a le cœur en friche en entendant le mot «zone» n’est pas tout à fait perdu. Qui pense «ZAC» est à réformer sous bonne discipline.

*Cet abécédaire est dédié à Serge Pey et à la saucisse de Toulouse.


Texte écrit en novembre 2011 dans le cadre d’un vase communicant avec Scriptopolis, dont nous avions accueilli alors le texte Captés.

Scriptopolis mène depuis plusieurs années de merveilleuses « petites enquêtes sur l’écrit et ses mondes ». Tenu par Philippe Artières, Jérôme Denis et David Pontille, Scriptopolis a subi un crash et lance un appel à archives : si vous avez conservé trace d’un de leur texte ou de plusieurs entre mai 2009 et mai 2012, aidez les : postmaster[at]scriptopolis.fr

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