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La fadeur, le neutre, le milieu

La fadeur, le neutre, le milieu

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Il suffit de manger une mousse glacée au thé vert parsemée de haricots rouges pour comprendre enfin l’essai de François Jullien, »Éloge de la fadeur », et les vingt heures de cours de Roland Barthes au collège de France sur « le neutre« . Rien de moins…

Imaginez dans une coupe une petite montagne de glace (ni en boules, ni en tresse) pas très froide, pas sucrée, d’un vert un peu sombre, associée à un « chili con carne », sans carne ni chili… C’est difficile à trouver ailleurs qu’en Chine, se dit-on, donc on se dit que c’est chinois.

Et là, c’est la tentation: faire de la fadeur l’unique saveur, du neutre l’unique valeur et du milieu l’unique repère, parce que cette découverte change les paramètres de la situation – où l’on se retrouve déterminé, par l’indéterminé, où on se prend à apprécier ce qui ne s’apprécie pas. Finie l’axiologie:

– ni amer, ni sucré, ni salé, ni piquant,

– ni bon, ni mauvais, ni tentant, ni dégoûtant,

– ni pour, ni contre, ni partisan, ni réactionnaire,

etc.

Sauf que pour une glace aux haricots rouges, on mange et on boit tous les excès – c’est Mo Yan qui le raconte dans « Le Pays de l’alcool », par exemple.

 

Quand on est au bord de l’empire du milieu, à Shanghai, on comprend aussi que la fadeur est un goût parmi d’autres. Le neutre une position comme une autre (non, je n’ai pas parlé politique avec les Shanghaiens). Le milieu un point cardinal avec les autres (qu’on retrouve jusque sur les panneaux urbains pour situer le passant : soit N-S, soit E-O, soit M).

Et là, devant Pudong,  toutes lumières éteintes à trois heures du matin, c’est l’image même du milieu, neutre et fade. Aucune pensée ne vient, aucune sensation, aucune extase, même pas en souvenir des mille et mille scintillements de la tombée de la nuit sur la city depuis le pont versicolore de Waibaidu.

On se dit qu’on est là et c’est tout.

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2 Commentaires

  1. BP
    à

    Cela se trouve très facilement ailleurs: en Corée, où la glace au thé vert et aux haricots rouges est incontournable dès qu’il fait chaud: cela s’appelle « nokcha bingsu »…

  2. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Emile HOOGE, URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: La fadeur, le neutre, le milieu — un article Urbain, trop urbain http://ow.ly/1z4TW #Shanghai […]

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