Le paysage temps photographié
Colloque international à Saint-Étienne les 22 et 23 novembre 2018
Colloque international à Saint-Étienne les 22 et 23 novembre 2018, sous la direction de Danièle Méaux & Jordi Ballesta,
Argumentaire
Dans la culture occidentale, le paysage a principalement été envisagé en tant que res extensa, étendue spatiale proposée au regard. Mais il constitue aussi un corps complexe, soumis à de perpétuelles évolutions déterminées par des causes hétérogènes, rétroagissant les unes sur les autres. Ces transformations parallèles ou convergentes, progressives, soudaines ou intermittentes ne sont qu’en partie prévisibles et incomplètement maîtrisables. L’habitation des lieux – que ce soit par ceux qui s’y établissent de façon pérenne ou par ceux qui y séjournent provisoirement – est aussi porteuse de modifications, liées aux habitudes quotidiennes et aux coutumes, aux activités saisonnières ou encore à des événements qui se font vecteurs de déplacements, de repositionnements et de sédentarités. Le paysage, manifestement rétif à l’endiguement et à la programmation, se présente comme un organisme pris dans un mouvement permanent. L’auscultation par la photographie de ses morphologies changeantes impose la mise en œuvre de stratégies visuelles, sensibles et empiriques susceptibles de se déployer dans la durée.
Nombre de photographes développent des démarches établies dans la diachronie. Ils tendent à revenir sur place pour ausculter longuement les sites, développant dès lors des séries. Il s’agit souvent pour eux de s’imprégner d’une géographie localisée, de l’habiter et d’y participer, voire d’entretenir avec elle une forme d’intimité. Le terrain n’est plus un simple espace de rencontre momentanée, mais le lieu d’une relation pluridimensionnelle et durable. Ce sont les espacements, les sédimentations, les gains ou pertes d’épaisseur qu’ils viennent questionner. Les agencements sont livrés dans leur précarité ; les devenirs à l’œuvre sont documentés et interrogés. Les formes de l’arpentage, l’adoption de transects raisonnés ou de maillages concertés, de longs repérages ou des déambulations plus faiblement orientées, le choix de la marche, de la conduite automobile ou d’autres moyens de transport fondent et rythment l’expérience paysagère. L’appareillage engendre des formes de réceptivité diversifiées, conditionnant des modes de distanciation ou encore d’imprégnation, voire de « métabolisation » ainsi que le constate Gabriele Basilico à propos de ses travaux sur les villes européennes. Des stratégies diversifiées peuvent être expérimentées pour que le temps du terrain ne se cantonne pas à celui de la prise de vue et que la durée de l’observation soit dilatée.
Depuis les années 1990, en France, les Observatoires Photographiques du Paysage préconisent une méthode systématique de reconduction, en vue d’instaurer une veille sur le devenir des sites, de quelque échelle qu’ils soient. Mais, depuis bien longtemps, ont été mises en place des pratiques de reprise – où parcours, traversées ou séjours se trouvent réitérés. Mark Klett a enquêté à deux reprises dans la continuité des missions topographiques américaines. Ces reconductions permettent de déceler des transformations, mais signent aussi une volonté d’afficher une forme de filiation. Le retour sur les lieux peut encore être le fait d’un seul et même photographe : Ed Ruscha a repris plus d’une dizaine de fois l’itinéraire photographique d’Every Building on the Sunset Strip. D’une tout autre manière, la consultation de l’archive amène à constater les persistances et les transformations affectant les sites. Bien souvent aujourd’hui, les photographes combinent prises de vue et reprises d’images existantes, au sein de projets visant à l’observation d’un lieu et de ses évolutions. C’est peu ou prou ce que fait Mathieu Pernot à propos des grands ensembles modernes. Une perception diachronique des sites est encore permise par la mise en relation des photographies réalisées avec des textes ou des images récupérées sur le web. La pratique de la prise de vue peut également s’intégrer au développement du projet architectural ou paysager, dont elle rythme l’avancée.
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