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Écritures

The Naked City —imprimé à Copenhague — réalisé en découpant les plans d’un Guide Taride de Paris

Ça a débuté lundi par un cratère intrigant, inexplicable et innommable. J’allai depuis flânant en 80 gigapixels dans un Londres où je tentais de débusquer quelques anciennes utopies architecturales, tel le quartier brutaliste de Barbican, mon préféré, celui où j’aime boire un café en terrasse pour admirer les saillances de ces gratte-ciels de béton que vomit la City arrogante.
Ragazzi en liberty

Toujours à Rome par mille voies les ragazzi sur liberty les enfants du tramway graffité toute la famille sainte des faubourgs à Saint-Jean de Latran à la Garbatella de Cinecittà aussi ou bien venus de via Portuense ou d’Appia Nuova descendent le Janicule remontent du Village olympique coupent Nazionale évitent le Corso Vittorio Emmanuele puis encore de toutes les places aux marchands de glaces et hors les murs antiques…
Denise — Venturi, Scott Brown and Associates, Inc., Learning from Las Vegas Studio, 1968, photograph (courtesy of Venturi, Scott Brown and Associates, Inc.)

Le grand œil satellitaire Google Map et son explorateur de ras-de-terre, Google Street View, sont des machines dont nous avons rapidement adopté l’usage, nous transformant en cyber-arpenteurs du quotidien planétaire, de sorte que pas une frange de notre monde physique n’échappe au jeu de conjecture et de vérification que ces logiciels permettent d’orchestrer.
Charles Demuth — Figure 5 in Gold — 1927

Ils disent l’époque des télécommunications et des enseignes lumineuses: «Bébé Cadum vous souhaite bon voyage / Merci, Michelin, pour quand je rentrerai / Comme les fétiches nègres dans la brousse / Les pompes à essence sont nues». Ils disent les voyages en transatlantique, les prospectus, les sténo-dactylographes ou les aérodromes: «La religion seule est restée toute neuve la religion / Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation».
Stockholm, 1560

Sur l’acte de naissance des villes on lit d’abord un anéantissement de la campagne. Réintroduire la nature entre les bâtiments ne changera pas cette donnée fondamentale. Mais la campagne est pugnace, elle aime à resurgir. Elle renaît dès que l’emprise de la ville se relâche, parfois à quelques mètres de l’hyper centre lourd des quais de marbre et des dalles de béton.
Dust Bells 2 -Dye transfer @Eggleston Artistic Trust

L’habitat prétendument «à l’écoute» de ses habitants, dont les capteurs devanceraient même les attentes, fonctionne à rebours de nos espaces bricolés, contingents, aux logiques d’appropriation floues. On se demande quelle domestication la domotique vise en définitive, celle des technologies ou bien la compliance des hommes à leur pharmakon?
Aqueduc Claudia (Felice)

Rome a possédé jusqu’à onze aqueducs pour alimenter ses fontaines publiques, ses thermes et ses citernes de quartier. La campagne romaine conserve encore la trace des arcades majestueuses de cet urbanisme de l’eau. La généralisation du béton dans le gros œuvre et l’exploitation des mines de plomb d’Espagne ont été deux conditions matérielles favorables à l’augmentation exponentielle de la quantité d’eau claire acheminée à Rome.
CCTV Tower

Contrairement à ce que notre manie occidentale de la patrimonialisation des villes laisse accroire, Rome n’a eu d’éternelle que sa prodigieuse aisance à changer de physionomie. Faut-il désormais se tourner vers les mégalopoles du futur pour s’émouvoir à nouveau de la passion destructrice de la reconstruction de la ville sur elle-même?
Ruines

Un jour viendra peut-être où sur les ruines/ Des monuments romains/ Pèseront les troupeaux, et où les sept collines/ Subiront la charrue; peu de soleils/ Auront tourné, peut-être, avant que le renard/ N’habite les cités latines et que les arbres/ Ténébreux ne murmurent dans leurs enceintes…
Piazza Cavour

Du monument, seule la figure majestueuse et raide de Cavour demeure aujourd’hui à l’air libre. Mais ses narines ne frémissent pas au contact des effluves du Tibre, à la différence de celles de la statue de Condillac, qui prend vie par l’odorat. Le socle du monument lévite, le sol dérobé sous lui par l’appétit des pelles excavatrices.