Le delta (autrefois)
Le delta se construit peu à peu aux dépens de la mer. Ce n’est d’abord qu’une suite de monticules de boue, des theys, incessamment mobiles, qui ne paraissent d’abord que pour disparaître ; il faut longtemps pour qu’ils se consolident et se soudent entre eux. Alors commence une végétation rampante de salicornes au tissu coriace et gras, qui donnent en se rapprochant à cette région, — la sansouire —, l’aspect de pâturages lie-de-vin. Frêle point d’appui, en apparence, contre les tourmentes du vent et des houles du Sud-Est, que cette basse végétation ! Cependant les sables s’arrêtent et se consolident contre ces touffes, l’eau du ciel les imbibe ; des arbustes y croissent. La dune, que les eaux de pluie ont plus entièrement dessalée, se couvre enfin de pins-pignons, abritant des genévriers et un petit peuple de plantes. Puis, si des canaux d’irrigation, des roubines ont été pratiquées aux dépens du fleuve, le mas s’élève sous les eucalyptus, entre de grands massifs d’arbres, entouré de vignes : signe actuel de la revendication par l’homme de ce domaine soustrait à la mer.
Paul Vidal de La Blache, Tableau géographique de la France, 1903
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