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Écritures

On use et abuse à tort de la célèbre phrase de Charles Jenks dans “The Language of Post-Modern Architecture” à propos de la démolition de Pruitt–Igoe, le 16 mars 1972 à 15h: «le jour où l’architecture moderne est morte». Il faudra s’interroger un jour sur la façon dont la spectaculaire destruction de ces barres à Saint-Louis sert d’arrière-fond, ici comme ailleurs, aux sanctions de la politique du logement énoncées dans le cadre de la rénovation urbaine.

Le Shanghai Nø City Guide sorti au mois de février recèle une contribution d’Omer Pesquer qui déborde la clôture du livre, fût-il numérique, pour s’exprimer pleinement sur le Web. «Shanghai en folie» est un magnifique témoignage du renouvellement de nos écritures urbaines, par jeu et essaimage.

L’urbain excède la forme prévisible du rapport à la ville et joue pour nous d’autres relations où l’indifférencié voisine avec la singularité. La contemporanéité de telles relations tend à nous faire définir à nouveau frais notre espace de représentation, et elle dit assez, pour moi et bien d’autres, la nécessité de penser l’urbain en «hors cadre», avec une trame textuelle et des catégories appropriées, et dans le jeu des prépositions «par» et «avec»… celles qui forment la socialité.

Partout, des lignes: cahiers, partitions, pavement, tout calepinage ou plancher de nos surfaces ordinaires, routes qu’on déroule comme mailles de nos vêtements, fils barbelés qui séparent à la frontière, passerelle qui unit, signes enlacés ou diagrammes de nos relations multivoques — lifelines de Laurence Sterne —, réseau social, prise, connexion ou emprise… Ô toi, mon amour!

Le conteneur est responsable d’une mutation que sa réalité technique, assez fruste, ne pouvait faire présumer. Comment donc cette histoire a-t-elle commencé? Pourquoi une simple boîte de métal allait-elle tout changer du rapport des villes à leur port? C’est de gestion qu’il s’agit, et pas d’une boîte et de ses prétendues qualités techniques…

La thèse du géographe David Harvey est simple: les concentrations démographiques et géographiques que sont les villes doivent leur dynamique au besoin du capitalisme d’écouler le surproduit. Dans cette voie, comme dans la fameuse fresque de Diego Rivera, les villes cristallisent du temps de travail et des rapports de classes. La progression des infrastructures urbaines est en ce sens attachée au jeu de l’investissement et de la dette.

La deuxième rocade de Marseille, ou L2, est un ensemble de voies autoroutières, nationales et communautaires (dont certaines classées en voie express). En service, en construction ou en projet, elle contournera Marseille depuis l’A55 jusqu’à la Pointe Rouge. Paysages contemporains où tiers paysage rime avec terrain en devenir…

Quel sens donner au monde? Du cosmos ordonné et un, l’image se fracture irrémédiablement. L’architecture, l’agencement des rapports de contact entre les êtres? Usés et révolus. Ce qui signifie rien moins que d’abandonner l’essence au multiple des formes sans chercher à l’ordonner. Quels sont les mondes possibles de l’architecture?

Avec une lecture à sens unique du «développement», les élus sont souvent obnubilés par le «rayonnement» de leur ville et leur place dans des classements qui entretiennent savamment le marketing urbain. Or, le tramway moderne — pas celui qu’on voit cahoter dans des villes qui ne l’ont jamais abandonné, mais l’engin métaphorique par excellence de la «glisse» urbaine et de l’injonction à la mobilité —, lui au moins, comble cette attente.

Châssis emplis de sable réfractaire, modèles bleuis pendus aux murs, son éteint du pilon qui tasse le moule, empreintes en creux qu’on assemble avant de couler le métal liquide. Chôra de la mémoire mobile et labile comme la fusion des sentiments mêlés.