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Hagia Sophia — Sacrée sagesse

Hagia Sophia — Sacrée sagesse

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Architecture byzantine s’il en est, Sainte Sophie se dilate depuis le VIème siècle de coupoles en coupoles. La pleine et grande et jaune fait tourner la lumière venue des deux côtés de la nef par de larges arcs pleins derrière quelque arcane ménagée par des colonnades de marbre. Des deux semi-coupoles qui en partent en symétrie vers le chœur et le narthex, celle du chœur se déploie encore en un dernier dépli pour laisser place à l’abside. Sainte Sophie : divine sagesse qui s’étend comme à l’infini.

Déploiement poursuivi au IXème à Venise par San Marco, dans des mosaïques et des chapelles qui n’en finissent plus d’égrainer les paraboles des saints jusqu’à chaque tesselle dorée, rosée, bleutée de lumière captée. Réfléchi encore à Byzance au XIème, à Kariye (Église Saint Sauveur in Chora) pour une diffraction de la vie de la Vierge et de celle du Christ, et au XIVème encore, en plus petit mais plus dense, à Fetieh (Théotokos Pammakaristos), pour la dilatation du Christ en ses douze apôtres. Toutes coupoles et ors affolent la pupille de ne pouvoir se fixer aux limites d’un espace terrestre.

Sainte Sophie, n’est donc pas la seule à dilater l’espace épandu de sa sainte sagesse : toute église byzantine déploie de même ses paraboles de lumière en échos symétriquement dispersés. Mais alors pourquoi Aya Sofia mérite-t-elle son nom ?

Cessez de tourner dans la lumière de velours des mosaïques et montez maintenant dans les galeries au-dessus de la nef, avancez-vous entre les deux colonnades, celle à trois arcs, un large et deux en écho de part et d’autre plus petits, et celle à sept arcs réguliers sous la coupole magistrale. Lumière extérieure, venue des arcs en plein cintre, et lumière intérieure, reflétée par les ors de la coupole immense, pleine et vide à la fois. Levez les yeux. Une voute étroite s’ouvre à vous. Un long ciel étoilé. Une bordure d’ignorance constellée d’éclats divers qui bourgeonnent dans le noir. Oui, la sagesse a ses arcanes, sa bordure, sa frontière intérieure, son pli non déplié, son mystère non élucidé. À Sainte Sophie, comme nulle part ailleurs. Sacrée sagesse, Sainte Sophie, qui love l’espace d’une nuit dans l’expansion de sa lumière infinie — qui seule sait qu’elle ne sait pas.

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Auparavant

Une île dans le bitume

Ensuite

Labyrinthe en ligne droite

2 Commentaires

  1. silvia
    à

    J’aime beaucoup cet espace de nuit caché dans les interstices des coupoles baignées de lumière. Une trace échappée de la face cachée, obscure, de toute chose.

  2. […] le touriste poursuit sa quête d’émerveillement, après la visite de Kariye devenue mosquée, sous l’œil amusé des enfants […]

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