Promenade en pensée à Villa Dolorès
Versant Sud-est de La Paz
Marché Villa Dolorès, El alto
Un petit tas de piments
*
Les familles passeront la nuit ici, dans les hangars gelés,
avant de rentrer aux villages ; elles composeront, assises les unes contre les
autres sous des couvertures de grosse laine grise, des tableaux
sombres dans la lumière jaune épaisse d’une unique ampoule pendue
au plafond
Les bords bleu ciel d’un sac de pommes de terre
beiges et cabossées, retroussés pour qu’on puisse voir
la marchandise et y plonger la main
Les sacs des récoltes sont en toile synthétique, imitation toile de jute à gros
maillage, et sont marqués aux initiales des couples P.M. : Patricia Modesto
J’ai vu de l’autre côté de la ville, en montant vers La Cumbre,
une rue dédiée à la literie bon marché ; on y utilise
cette même toile pour bourrer des matelas de paille
Des bottes d’oignons nacré rose prolongés de longues
tiges souples, blanches puis de plus en plus vertes
Il faut bien réfléchir où poser ses pieds, entre les
flaques d’eau croupie, la terre battue et les
légumes posés au sol ; les enfants courent en
mangeant des gelées rouge sang surmontées
d’une pointe de blancs en neige qui dégouline au soleil
Les camions, énormes, se garent gauchement comme de vieilles bêtes
fatiguées le long des murs en pleine rue, les chargements descendent à
rythme régulier sur le dos des hommes et de quelques femmes ; la
plupart d’entre elles allaitent leurs petits – les plus grands sont debout
et viennent fourrer leurs têtes sous les gilets de leurs mères et tirent sur
leurs seins élastiques, tandis qu’elles sont assisses
Ici une montagne de citrouilles attend la vente en gros
sous un abri de bois bleu – toujours le même bleu
Les fèves en cosses semblent gonflées d’air
Les ocas sont jaune d’or, on dirait pourtant
de gros vers boudinés tout juste sortis de terre
Au milieu passent sans se presser des cholas venues en
connaisseuses marchander chaque légume avec un air légèrement
supérieur de citadine, joué par le chapeau melon et les ballerines
vernies ; les campesinas, elles, restent silencieuses et murmurent
entre leurs dents les prix comme une supplication
On trouve aussi des chuños minuscules, étranges fossiles de
pommes de terre vidées de leur eau, gelées, pressées, regelées
et essorées jusqu’à cet état de caillou blanc ou noir attendant
la réhydratation.
*
Versant Sud-est de la quebrada
Marché de Villa Dolorès
Ici s’arrête la route de l’Altiplano
4 Commentaires
Muchas colores y tambien poeticas urbanas
Buen viaje
Antonella
http://plaques-sensibles.com
J’aime ces 2 textes si vivants sur La Paz où je viens de passer quelques jours. Parce qu’ils expriment ce que j’ai vu et ressenti, mais dont je ne saurais pas si bien parler.
très beau, on en veut d’autres…
[…] La ligne rouge, première des trois lignes du téléphérique qui porteront les couleurs du drapeau bolivien, a été inaugurée le 30 mai et relie comme on aurait pu le deviner la ville d’El Alto au centre ville historique, trois stations et seulement une petite dizaine de minutes de trajet pour s’envoler sur quelque 400 mètres de dénivelé, depuis l’ancienne gare ferroviaire, en passant par le cimetière, pour gagner l’avenue 16 de Julio, au cœur de l’Alto, et où se tient le dimanche une immense feria. […]