À Istanbul comme ailleurs — Relations urbaines #25
Ici, comme tous les jeudis, un instant dans une ville, de ceux qui signifient qu’on était là, pris dans la trame des mots des autres. Ici, Urbain, trop urbain les relate et rien n’aura eu lieu, que le lieu, excepté, peut-être, une constellation…
Vous voilà à Çukurcuma comme vous pourriez être dans le Marais, comme dans un café du Canal Saint-Martin, comme à Gracia, comme ailleurs. Jolies tables et jeunes chaises, vieux fauteuils et tableaux neufs sur les murs du café beau.
Aujourd’hui Lalè vous parle, et vous parle en français. Un mari belge qu’elle a eu quelques années lui a laissé un bout de langue en partage. Après Yale, après Londres autrefois. Langue qu’elle sort dans un rire de gorge où se perdent les phrases à la fin. Les mots entre les dents. Vous attrapez pourtant que Lalè vous invite ce soir à manger. Toutes ces invitations qu’elle a reçues en Europe, Lalè veut vous les rendre là. Lorsqu’elle étudiait Yale, lorsqu’elle enseignait en Allemagne, ou voyageait en Espagne. Tous ces bons repas, elle aussi, en bleu-fard, blanc-peau et lèvres-rouges, elle aussi veut vous faire son repas, pour son repos.
Dans sa langue qui parfois sort se perd soudain le rire : son fard désigne votre voisin, un coup de tête vers l’humain d’à côté, ce barbu votre frère. Et lui, il n’est pas Kurde au moins ?
Et vos pas, vos papilles dans Çukurcuma poursuivent leur chemin, leur faim vers d’autres épices moins connus des palais européens.
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