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Frugès, cité corbuséenne

Frugès, cité corbuséenne

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Pessac, 1925. « Je vous autorise à réaliser dans la pratique vos théories jusque dans leurs conséquences les plus extrêmes. Je désire atteindre à des résultats vraiment concluants dans la réforme de l’habitation à bon marché. Pessac doit être un laboratoire. »

C’est en ces termes qu’un riche industriel bordelais, Henry Frugès, propriétaire foncier à Pessac, commanda à Le Corbusier une cité ouvrière. Les « conséquences » se cantonnèrent, en fait d’extrême, à une certaine modestie.

Avant-gardiste formellement et par sa dimension sociale, la cité qui vit le jour fut un échec partiel : sur les 150 logements initialement prévus, seulement 51 sortirent de terre. Un demi-échec également, en raison de l’accueil mitigé que ce bond urbanistique vers la modernité suscita. Bousculant les esprits, la cité Le Corbusier de Pessac fut accompagnée de son inévitable cortège de rejets et de railleries. Au mieux, c’était une perplexité non dissimulée d’être face à cette architecture hors du commun. Les bâtiments sont achevés en 1926, mais restent vides jusqu’en 1929… Quant au « vivre ensemble »  érigé en principe cardinal, il s’inscrivait pleinement dans les remous idéologiques de l’Histoire en train de s’écrire, cousin des familistères fouriéristes du XIXe siècle (qui n’ont pas cent ans) et contemporain de la révolution communiste de 1917 (qui n’en a pas dix).

Corbu-le-jeune transplante ici, en ville, l’expérience communautaire villageoise, la modernité en plus. Car en 1925, peu de gens jouissent du confort moderne, alors que la petite cité « paquebot » largue les amarres pour un XXe siècle fait de salles de bain, de toilettes et de chauffage central… Commodités inédites à tous les étages, luxe à destination des classes populaires… Avec son cousin Pierre Janneret, Le Corbusier expérimente ici des principes constructifs novateurs, tels le canon à ciment, des murs isothermiques, des jardins suspendus, ou encore quelques garages intégrés. Du béton armé polychrome planté dans un jardin de pins… Maisons « arcade », « gratte-ciel », « quinconce », « isolées », « zig-zag » ou « jumelles »… Les modèles d’habitation conçus ici illustrent parfaitement les cinq points de l’architecture moderne : usage des pilotis, toit-terrasse, plan libre, ouvertures horizontales, façade libre.

Ce voyage corbuséen a été une longue traversée du désert mais en dépit de toutes les controverses, la cité est toujours là et au fil des années elle retrouve ses couleurs. C’est une figure de l’architecture moderne, une icône discrète qui contient dans la typologie d’un quartier serein les théories du grand architecte sur la manière de penser la ville de demain.

La Machine à Habiter

La cité Frugès a été l’une des réalisations sélectionnées pour le dossier candidature de L’Unesco.

Nous avons voulu nous intéresser à l’histoire chaotique de ce lieu pour mieux le comprendre et interroger aussi ceux qui lui ont donné une âme, ses habitants.

« La Machine à Habiter » est un projet protéiforme qui se veut participatif et évolutif. À l’image de la cité Frugès, toujours repensée dans ses aspects matériels et humains par ses habitants, La Machine à Habiter se veut un laboratoire pour la vie de ce quartier atypique.

Notre projet s’intéresse à la dimension humaine du lieu, à ses histoires de quartiers, à la poésie et à son devenir. Il comporte trois volets :

– Audiovisuel et multimédia : réalisation d’un webdocumentaire, d’un documentaire et de courts métrages.

– Éditorial : édition d’un livre photo sur la mémoire de quartier et d’un album jeunesse.

– Artistique : installations, vidéos et expositions.

Visuellement, nous souhaitons nous démarquer de la simple capture du réel et du témoignage brut. Il est en effet pensé dans une optique artistique et cross média. Les Quartiers Modernes Frugès inventés par Le Corbusier sont un tremplin vers la poésie qui nous invite à reconsidérer le réel.


Droits photographiques : ©Bruno Hubert et ©FDLC-ADAGP.

Consultez les photos de la cité :

http://www.flickr.com/photos/lamachineahabiter/

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5 Commentaires

  1. eliinbar
    à

    These buildings are the source of inspiration for generations of architects….
    For relevant examples visit my blog…
    SOMEONE HAS BUILT IT BEFORE……..Enjoy
    ?

  2. Silvia Bonnet
    à

    On se demande toujours si la poésie a besoin de la patine du temps pour s’installer dans une architecture. Je ne parle pas bien sûr ni d’élégance, ni de majesté, ni d’équilibre… juste de poésie!

  3. Strabic
    à

    Le cas de la Cité Frugès est fascinant ! Et à ce titre, il faut absolument lire : BOUDON, Philippe, Pessac de Le Corbusier, étude socio-architecturale 1929-1985, Éditions Dunod, 1985, 1ère édition : 1969. Ce livre met très bien en lumière la réception de cette architecture aussi bien par les habitants que par les architectes. Passionnant !

  4. […] Frugès, cité corbuséenne « Urbain, trop urbain From http://www.urbain-trop-urbain.fr – Today, 1:47 PM […]

  5. […] Frugès, cité corbuséenne « Urbain, trop urbain From http://www.urbain-trop-urbain.fr – Today, 9:15 PM […]

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