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La Parga — premier état des lieux

La Parga — premier état des lieux

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À la recherche de points d’observation…

Mise au point : la rue qui part du Capitole pour aller vers le Pont Saint-Pierre porte deux noms. Romiguières dans sa première partie, elle se rebaptise Pargaminières au niveau de la rue Déville flanquée de deux lieux cultuels, l’un catholique, l’autre protestant. Nous nommerons « Laparga » l’ensemble de la rue.

Description d’ensemble

À ce jour les travaux de voirie sont terminés rue Romiguières, comme l’avait annoncé le journal local du 5 décembre dernier. Manque encore le mobilier urbain, dont on a pu photographier l’absence à plusieurs reprises, dans le cas des « chaises et appui-vélos », ou alors l’extrême mobilité, dans le cas des poubelles actuelles. Dans cette partie, Laparga est relativement large, le chemin est droit, et les façades plutôt rénovées. Encore que les façades qui ne le sont pas se font maintenant remarquer comme quelqu’un qui ne suit pas la mode nouveau riche. Rappelons qu’en mode urbaine, un quartier bobo, c’est plutôt l’inverse : des façades rénovées dans des rues patinées.

Rue Pargaminières les travaux sont en cours, entre la rue Déville et la rue de Larrey. On repère :

–       un engin de chantier devant l’église réformée,

–       du sol en sable entouré de barrières rouges et grises entre le 75 et le 63, et plus loin, jusqu’à la rue Larrey,

–       un début de trottoir en granit gris entre le 61 et le 59,

–       un autre morceau de trottoir en granit gris avant la rue Larrey,

–       des panneaux routiers mobiles.

Le tronçon qui part de la rue Larrey jusqu’à la place Saint-Pierre n’est pas encore en travaux, sauf en toute fin, au niveau de la rue Valade. Dans cette seconde partie, la rue est relativement étroite, plus sinueuse et les façades et devantures rarement rénovées.

Recensement

Rue Romiguières : 3 boutiques de téléphonie et assimilées, 3 salons de coiffure, 3 petits restaurants, 2 boutiques de vêtements bon marché, 1 bar-tabac, 1 agence de voyage, 1 hôtel cinq étoiles, 1 cabinet médical spécialisé, 1 pharmacie avec distributeur de préservatifs, 1 supérette, 1 librairie spécialisée, 1 boutique d’astronomie, 1 boite à photocopies, 1 agence immobilière fermée définitivement, une congrégation religieuse.

15 activités côté impair, 8 côté pair.

Rue Pargaminières : 2 lieux cultuels et 1 lieu dérivé, 15 lieux de restaurations rapides dont 6 vendeurs de kebabs, 5 restaurants, 2 boutiques de vêtements et assimilés, 3 librairies spécialisées dont 1 fermée définitivement, 1 fleuriste, 2 photographes dont 1 ayant plié boutique, 2 épiceries dont 1 de nuit qui n’ouvre plus, 5 cabinets médicaux ou paramédicaux, 1 mandataire judiciaire, 1 habitation de haute couturière qui aurait pu torréfier le café, et 1 boutique de petite couture, 1 boutique de vente et réparation d’ordinateurs PC, 1 tatoueur, 3 boutiques d’artisanat d’ailleurs, 7 bars-cafés dont 1, définitivement fermé, indique un numéro de téléphone à 6 chiffres, 1 tabac qui n’a plus que la façade, 1 association franco-russe avec une centaine de matriochkas en vitrine, 1 boutique de petits soldats de plomb quelle que soit l’époque, 1 salon de thé où fumer le narguilé, 1 magasin de bonbons, 1 direction des politiques de solidarité. Mentionnons aussi 2 statuettes de Vierge sous porche, et l’ilot Valade, comprenant une quantité d’activités non dénombrable en façade.

30 activités côté impair (dont 2 désactivées), 25 côté pair dont 2 définitivement inactives. Les Vierges ni l’ilot ne sont comptés.

Points d’observation

1- Les activités de Laparga varient rapidement : le nombre de façades de commerces en inactivité le montre. Ce qui est confirmé par une visite de Google Street view, qui alterne les vues de 2008 et de 2010 sans qu’il y ait toujours continuité dans les enseignes.

Par exemple au 63 : un changement d’enseigne

En 2008 :

En 2010 :

Ou encore au 66 : un déplacement d’enseigne déjà existante dans la rue

En 2008 :

En 2010 :

De cette remarque nous devrons nous souvenir lorsque nous serons tentés de tirer des conclusions hâtives sur les effets de la piétonisation. Le changement et le déplacement des commerces semble faire partie de la vie de Laparga. Prenons-en acte. Il s’agira d’observer s’ils continuent sur cette lancée, et non de prendre ces évolutions et permutations comme un effet de la piétonisation.

2- Les activités de la Laparga sont variées et ne semblent pas particulièrement exclusives les unes des autres socialement parlant : on y trouve de la restauration rapide comme de la restauration plus lente, des commerces spécialisés (librairies de bande dessinées ou jeunesse, petits soldats de plomb) comme du prêt-à-porter bas de gamme, une présence affichée de la haute-couture (Germaine Baquié habite la rue sans y avoir sa boutique, par ailleurs sise rue Victor Hugo), comme de la création de petite couture (La Plage des pommes), un certain nombre de professions libérales à côté des nombreux débits de boissons, les lieux cultuels et les lieux politiques.

Cela semble être l’une des caractéristiques ancienne de Laparga. L’urbaniste Yoann Morvan, dans sa thèse consacrée à « l’agglomération toulousaine à travers les âges » souligne avec force références que la cité moyenâgeuse toulousaine connaissait peu à cette époque la ségrégation sociale. Il est notable qu’il prenne à cette occasion, l’exemple de la rue Pargaminières (p.120) :

« En outre, l’exigüité des espaces publics et la relative absence de ségrégation dans la topographie de l’habitat rend cette misère plus criante. Même s’il existe des quartiers aisés et d’autres populeux, cela n’empêche pas « l’une des six plus grosses fortunes de la ville» de Toulouse de résider rue Pargaminières, majoritairement habitée par des pauvres (Wolff 1974 : 195). »

Il est frappant de constater qu’encore aujourd’hui Laparga, en plus d’être populeuse et d’accueillir « l’une des six plus grosses fortunes de la ville », perpétue d’une certaine manière cette « relative absence de ségrégation ». Voilà ce que nous pourrons observer : si la diversité des activités persiste par delà la piétonisation.

3- L’état actuel des travaux partage assez nettement la rue en deux : la rue Romiguières d’une part, urbanisée, et la rue Pargaminières d’autre part, patinée. Avec une zone d’indécision au niveau des travaux. Rien d’étonnant à cela. Attendons seulement d’observer ce qu’il sera fait de la patine de la seconde partie… faite de la concentration la plus forte en gaz de pots d’échappement de toute la zone urbaine, des infinis vomis estudiantins aujourd’hui et naguère militaires lorsque la cicatrisation de leurs blessures leur permettait enfin une échappée de l’hôpital Lagrave, faite aussi de l’étroitesse médiévale de son dessin, de son orientation qui protège du vent d’autan, du passage séculaire de tous les passants qui vont de la place centrale au fleuve et du fleuve à la place centrale, des assoupissements bourgeois et religieux qui s’oublient parfois aux fenêtres mal lavées devant les balcons en fer forgé, faite encore des travaux mal payés des commerçants vite installés et désinstallés, des petits rêves de fortune, des héritages qui font vendre et racheter la même boutique sans même passer une génération, des cours intérieures qui, de loin en loin, recèlent les images des âges que la rue a connus.

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5 Commentaires

  1. Marc
    à

    Merci pour cette lecture de la Parga du haut en bas, regard nouveau et attentif. Une rue n’est pas la même qu’on la monte ou qu’on la descende, histoire de pente, d’angles de vue, de lumière, de flux piétonnier ou voiturier, de bruits…
    La « parga », je la pratique plutôt à l’inverse, pour monter au Capitole…
    Quand on vient du pont Saint Pierre, le regard balaie l’ancienne réclame qui se devine encore sur le mur de briques roses à l’angle de la rue Valade et de la place saint Pierre, salue Claude qui s’époumone sans se ménager, et s’aventure dans la « parga », l’ondulante, en espérant sans trop y croire rejoindre le centre ville.
    ……….
    L’anarchie des travaux… et que je te pave un bout de rue là à gauche, ici à droite, et au milieu, soudain, c’est fort Douaumont après une pluie d’obus. On a alors une âme d’aventurier, mais on doute vite et on presse le pas!
    ……….
    Alors comme toujours je redescendrai rive gauche par la Daurade, travaux ou pas. C’est qu’on a son itinéraire et qu’on s’y tient!

  2. Claire
    à

    Oui oui oui, c’est vrai tout ça, et c’est bien dit !

  3. eric jalibert
    à

    je suis le propriétaire du magasin de photo situé au 66 rue Pargaminieres, je precise que mon magasin est installé depuis 15 ans ( 12 ans au 68 et 3 ans au 66 démenagement pour cause d’agrandissement )
    de même, le magasin variation figurant sur la photo de 2008 est resté en place pendant plus de 23 ans (il a du fermer a cause de la concurrence internet…)donc, ni moi, ni véronique de variation sommes des exemples de turn over des commerces!!!; nous sommes plusieurs artisans qualitatifs a nous battre pour maintenir une véritable offre de services aux usagers du centre
    ville de Toulouse !!!Merci de ne pas nous pourrir sur internet!!!

  4. Claire
    à

    @ Eric Jalibert. D’abord, un grand merci pour votre commentaire qui permet d’affiner notre observation de la rue Pargaminières. Ce texte fait partie d’un projet à moyen terme (devant durer 2 années environ), dans lequel, à 5, nous observons les transformations de la rue à partir de sa piétonnisation.
    Je reconnais que le terme de « turn over » est ici certainement employé abusivement, celui de « changement » aurait suffi peut-être. En tout cas, vous dites bien que certains magasins se déplacent dans la rue, et cela nous intéresse, parce que cela témoigne d’un mode de vie particulier à cette rue.
    Mais vous pouvez remarquer aussi que nous avançons avec prudence des hypothèses sur le caractère de la rue : dans le texte, j’assortis mes remarques de « il semble que » parce qu’en effet je ne suis pas certaine des déductions que je fais à partir de mes observations. Une comparaison des images de 2008 à aujourd’hui indique un certain nombre de changements. Vous désignez quant à vous une volonté de permanence : ce qui nous intéresse beaucoup !
    Par ailleurs, donc : soyez assurés que nous ne cherchons à « pourrir » personne. Nous nous interrogeons, comme vous me semble-t-il, sur ce qui fait la qualité de vie en ville.
    En vous souhaitant une bonne et belle continuation dans cette rue, ce quartier, cette ville, ce monde…
    MISE À JOUR: l’expression « turn-over », ici en effet inexacte, a été enlevée.

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