Mound Builders, les bâtisseurs de paysage

Le dragage, l’excavation et le transport à des fins utilitaires d’énormes quantité de terres alluviales est l’un des traits les plus caractéristiques de l’occupation humaine de la terre, qui se traduit par l’architecture de territoires entiers. Avant l’artialisation du paysage dont parle Alain Roger [1], ou peut-être en corollaire, il y a cette érosion accélérée des couches géologiques par l’activité des hommes, l’une des signatures les plus évidentes de l’anthropocène et cependant si discrète.

Lors de leur progression le long des cours du Mississippi et de l’Ohio et de l’établissement de leurs premiers comptoirs, les occidentaux découvrirent un ancien earthwork, une construction artificielle de territoire particulière : des centaines voire des milliers de monticules réguliers, parfois de véritables pyramides de terre. Mais leurs formes varient, certaines sont moins géométriques qu’anthropomorphes ou en motif animalier. Ces tertres sont souvent associés dans des ensembles de plusieurs hectares, témoignant de l’existence d’agglomérations de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Les tumulus sont parfois si étendus qu’on n’imagine pas qu’ils soient autre chose qu’un pli géologique naturel.
Des fouilles archéologiques sérieuses débutèrent à la fin du XVIIIe siècle et le mystère est allé en s’épaississant. On trouva des restes de mammouth de l’âge de pierre, on trouva de nombreux objets d’artisanat de l’âge de cuivre et des reliques d’une civilisation raffinée [4]. Les affectations de ces tumulus paraissaient varier : cimetières, temples, fortifications, fondations pour l’habitat… Les monticules des Mound Builders formaient des terraces dominant la plaine inondable et probablement les alluvions charriés lorsque le fleuve sortait de son lit ont-ils été utilisés pour augmenter ou consolider l’ouvrage. La composition interne des promontoires, l’assemblage de matériaux, les pieux de soutènement pour éviter les glissements de terrain: tout cela avait été fait par un peuple ne connaissant pas la roue [5]


[1] Alain Roger, Le court Traité du paysage, 1997.
[2] Voir le dernier livre de Catherine et Raphaël Larrère, Penser et agir avec la nature, Une enquête philosophique, 2015.
[3] Wicked River: The Mississippi When It Last Ran Wild, Lee Sandlin, 2011.
[4] The Mound Builders : Their Works and Relics, Vol. 1, Stephen Denison Peet, 1892.
[5] The Mound Builders of Ancient North America: 4000 Years of American Indian Art, Science, Engineering, and Spirituality Reflected in Majestic Earthworks and Artifacts, E. Barrie Kavasch, 2003.
[6] Mound Builders, Robert Silverberg, 2013.
Pas encore de commentaire