ZAC [Masséna]

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Longtemps, de loin, ce quartier m’effrayait. Je suis passé devant un beau nombre de fois, observant l’avenue de France sans jamais la prendre. J’observais derrière un immeuble le haut des anciens Frigos de Paris. Usine squattée pendant des années par des artistes en tout genre. Lieu qui a survécu face à l’aménagement de la Zone. Ce rectangle côtoyant la Seine, impénétrable d’extérieur et toujours l’avenue de France, là m’annonçant le bout du monde des territoires connus. Apeuré à cette idée, je prenais toujours le chemin de la BNF, du cinéma et de la Cinémathèque française (de l’autre côté de la Seine par la passerelle Simone-de-Beauvoir) : chemin rassurant.

Un jour d’été, l’ami Matthieu de Urbain, trop urbain, me propose de venir à un spectacle de danse verticale sur les murs de L’école nationale supérieure d’architecture qui est installée dans le quartier de Masséna. Je n’avais pas le choix. Obligé d’entrer à l’intérieur. Traversant, je découvre le futur de Billancourt, quand tout sera fini : un lieu avec des noms de rues de « gauche » (Françoise Dolto, Elsa Morante, Primo Levi…). Caution d’une disparition… et l’ancrage des anciens Moulins de Paris, transformés en Université. Cachés au milieu, invisibles de l’extérieur. Comme les rails de la Gare d’Austerlitz, disparus dans les « nouveaux » bas-fonds et fondations. Quartier suspendu au dessus de ce qu’il faut cacher, comme la rue Watt : liaison avec l’ancien treizième arrondissement, le populaire.

Le plus surprenant c’est la question de « l’avant ». Dans ce quartier, impossible de savoir. Le nom « GRAND MOULINS DE PARIS » ne suffit pas. Amnésie et façadisme… Prendre ce parti et s’avancer. Trouver le plan du quartier, dessiner une spirale et poser la caméra sur le passage de cette dernière. Arbitrairement. Et la suivre jusqu’au centre.


Texte et film de Jérôme Wurtz, pour À quelques pas de l’usine, qui invite sur son site le texte de Matthieu Duperrex « ZAC (Billancourt toujours) », pour Urbain, trop urbain… dans le cadre du projet des vases communicants: “Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.”

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6 Commentaires

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  2. Stéphanie Messal
    à

    Bonjour !
    Cette vidéo est magnifique : bien sûr je parle ici avec mes émotions. J’ai été littéralement transportée dans un quartier dont je connaissais l’existence mais sans jamais vraiment y être entrée (j’ai vécu un temps à Paris).
    Cette vision poétique et narrative de l’architecture m’interpelle moi-même travaillant à quelques réflexions sur la traversée des villes, tant par l’homme que par le temps : la rencontre du temps et de l’espace.
    J’ai beaucoup apprécié la bande son : bruits de fond hypnotiques et lancinants, parfois proche d’un grognement sourd de bête. Il faut avoir éprouvé les chantiers pour en reconnaître la persistance, la récurrence que l’on retrouve dans le geste (je pense à l’homme avec son marteau et à l’image des grues). Les bruits du quartier y sont plus ou moins aspirés par les bruits du chantier. Cette idée de la bête m’est apparue à 1:20 environ avec la décélération de la vidéo, le son se fait plus profond, plus caverneux… On travaille dans ses entrailles…
    Le mélange de l’écriture urbaine entre présent et passé est très vivace : des vieux bâtis avec la brique, du moderne avec le verre. Et du futur qui se construit. Je crois que c’est cela l’Architecture quelque part : la rencontre de tous les temps.
    Beaucoup de passage aussi : tout le monde passe à commencer par vous ! Les gens passent en scooter, en bus, à pied, en métro, etc. Ils passent des portes, des passages cloutés, des ponts, etc.
    Etrangement plus on se rapproche du centre et plus le son se fait léger, moins dense : les mouvements s’apaisent. Moins de foule, moins de circulation.
    J’ai quelques question concernant votre travail. Pourquoi avoir choisi la spirale pour arpenter ce quartier ? Pourquoi avoir choisi de décélérer certaines parties de votre vidéo ? Et au final… quelle est l’histoire que vous a raconté ce quartier dont la mémoire semble défaillante.
    Au plaisir de vous lire. :^)

  3. Jérôme Wurtz
    à

    Bonjour!
    Merci d’avoir compris cette vidéo. « La rencontre du temps et de l’espace » : questionnement et but de mon travail. Depuis cinq ans je travaille sur Renault Billancourt où la question de la mémoire des Hommes et du lieu est menacée voire en effacement. Combat personnel et familial. J’ai trouvé un écho et un courant d’air à Masséna. Même situation et même problématique. Au lieu de fouiller l’histoire de ce quartier, j’ai décidé de ne pas trop en savoir et jouer cette carte en arpenteur naïf et conscient d’un passé caché/oublié.
    Cela demandait un choix de mise en scène arbitraire : la spirale. Imposant le choix des rues à filmer. Etrangement, cela m’a amené a voir ce que je voulais voir et inscrire.
    La décélération a été un choix dès la préparation (cela vaut pour tous les plans : tourné à 50 images/seconde au lieu des 24) car elle paraissait évidente pour créer un moment de temps en dehors de la représentation de la réalité du temps, permettre de poser le regard et inscrire la fixité de l’architecture face aux déplacements des véhicules, des gens sans réel sens de compréhension. Aussi pour la beauté de la décomposition du déplacement, du geste.
    Masséna m’a raconté/montré un passé absent qui s’oublie au fur et à mesure que les gens passent. Ralentir l’image pour que l’effacement subisse le même sort. Utopie et envie qu’il existe un vrai travail de mémoire.

  4. Stéphanie Messal
    à

    Merci pour cette réponse, des plus enrichissantes.
    Je ne m’étais même pas rendue compte que tous les plans avaient été « décélérés ». Qu’est ce que cela signifie ? Qu’on ne la sent qu’en présence de l’homme en action, dans le geste pour reprendre votre propos et de certains types de bruits. L’architecture ne subirait donc en rien les mouvements d’accélération ou de décélération ? Encore une réflexion à creuser j’imagine qui a à voir avec la perception : les sens sont trompeurs, les sens sont joueurs.
    Je vous suis désormais dans le creux de votre recherche, votre déambulation heuristique.

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