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À l’école de la ville

À l’école de la ville

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Comme chacun sait la carte scolaire n’existe plus, et pourtant une école se définit encore beaucoup par son territoire, et quand celui-ci est un espace sous tension, hérité, fracturé, il peut arriver que l’enseignant soit un peu dans les marges. Paroles d’un instituteur d’une petite ville de province.

Alors justement cette année, j’en chie. Mais tu vois quelque part j’ai vraiment l’impression d’être dans une vraie réalité, dans quelque chose de vraiment… qui ressemble à ce que vivent les gens qui sont dans d’autres écoles-quoi.

Cette école, elle est très particulière finalement, parce que tu as le côté bourge, fils de chirurgien, fils de… gens qui travaillent à la clinique –et tout ça…  Alors c’est des enfants pas forcément faciles non plus : un peu enfants roi, merdeux… chiants. Et à côté de ça, tu n’as pratiquement pas la classe moyenne. Mais tu as le quart-monde… le quart-monde !

Alors que dans l’école, où j’étais, avant, il n’y avait aucune mixité sociale : t’avais les bourges, et la classe moyenne-quoi. Mais ici, t’as pas mal d’enfants du voyage, t’as des gens vraiment, socialement, très…

Et t’as des maisons années 30, ça coûte la peau des fesses ces maisons-là, quand tu les achètes. Et en même temps on est proche de barres d’immeubles… on est prêt d’un camp de gitans… il y a du locatif à bas prix… donc ça attire des personnes socialement très démunies.

Et il y a cette putain de crise-là, c’est dingue. Ça se sent… je croyais pas qu’on soit aussi pris de plein fouet que ça-quoi. Des gens qui sont complètement tarabustés, complètement perdus-quoi… tu vois ? qui assument plus-quoi. Parce qu’ils ne peuvent plus assumer financièrement… donc du coup ils ont l’impression d’être totalement perdus.

Le nombre de gens qui déménagent en cours d’année, moi je n’avais jamais vu ça, tu as, comment on dit ? un turn-over, impressionnant. C’est impressionnant.

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3 Commentaires

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par aleph187b, URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: À l'école de la ville. Témoignage d'un professeur des écoles… /un article Urbain, trop urbain http://ow.ly/2eW3s […]

  2. Silvia Bonnet
    à

    Et l’instituteur en question, il parle vraiment comme ça à ses élèves, avec ce vocabulaire-là, cette syntaxe, ces clichés??? Enfin, tu vois? Quoi?
    C’est à désespérer…

  3. Claire Dutrait

    Non, bien sûr que cet instituteur ne parle pas comme ça à ses élèves. Il fait même du travail plutôt efficace, dans une classe de CP, depuis plus de 20 ans maintenant. Ses pratiques sont même reconnues, au point que des stagiaires sont régulièrement envoyés dans sa classe pour les former.

    Alors à qui parle-t-il comme ça ?
    A moi, qui viens l’interviewer sur son métier. Et je crois pouvoir dire qu’il le fait en confiance : pendant une heure d’entretien, il a déroulé les caractéristiques de son métier avec précision, ses habitudes de travail, son adaptation aux élèves…

    Alors pourquoi parle-t-il comme ça ?
    Ce sont des paroles hors-interview. Je les ai gardées parce qu’elle disent quelque chose du tissu urbain dans lequel l’école est prise, elles disent que l’école a à faire avec la société, avec la ville. Peut-être parle-t-il comme ça parce qu’il n’y a pas d’autres mots pour dire dans quelles tensions l’école est prise aujourd’hui : d’un côté l’égalité des chances inscrite dans la loi, de l’autre une ville impraticable… et son rôle ? Faire avec… ça n’a pas l’air facile, en effet.

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