Noir poison
De petites boules noires friables. Dans les filets de Pat Boudreaux, il en remonte encore de temps en temps. C’est comme une gomme arabique. Les dispersifs épandus dans le golfe par la British Petroleum ont piégé le brut de la marée noire, l’ont fait sombrer. La gangue molle et gluante attend à présent dans les fonds marins. Elle envoie en éclaireuses des particules de son corps de mort millionnaire. Les galets de pétrole et de vase mêlés remontent l’estuaire en procession désordonnée avec l’eau tiède des marées. De petits treuils motorisés hissent les deux ailes épervier des filets à crevettes de Pat. C’est la saison de la blanche qui ouvre, elle sera meilleure, pour sûr, que les années précédentes. Mais c’est pareil pour tous les autres pêcheurs à Leeville, le poison, il est toujours bien là.
Ici on dit pas crevette, mais chevrette, la crevette c’est y pas une p’tite cravate ? Tu manges des cravates, toi ? Non ? Alors c’est des chevrettes. Pour les alligators c’est tout de même, on dit pas ça, l’alligator, nous, on appelle ça le cocodrille. Faut que t’apprenne à parler Cadien comme ici.
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