Pas folles, les herbes #2 Madrid
Au pied des arbres autorisés (sorbiers, acacias) au feuillage léger ne dépassant pas le premier étage, à travers lequel le soleil se fait vert et l’ombre fine, au pied de ces arbres les carrés de terre argileuse sont parfaitement stériles.
Argileux aussi est le sol du jardin du Retiro, où s’impriment les sabots des chevaux de la garde montée, les pneus des charrettes de jardiniers ainsi que les semelles des visiteurs. Sous les buis coupés bas qui limitent les plates bandes : quelques pissenlits, et voilà tout. Mais quand même… dans les carrés plantés de choux rouges ornementaux un semis de véroniques petit-chêne, Veronica Chamaedrys a germé, parsemé de lierre terrestre, Glechoma Heredacea et, enfin ! de quelques plants d’orties.
Au jardin botanique, allongé entre le Prado et la gare d’Atocha les allées sont vides, ratissées, l’ordre règne. Sous un banc de pierre se sont blotties laitue sériole, crépide, pissenlit, séneçon vulgaire, Senecio Vulgaris. Des solides. Alors… où sont les autres ?
Nous les avons cherchées, et trouvées. Le long du Palacio Real, entre les larges dalles grises du trottoir et la façade du palais, une fissure est apparue au niveau du sol. Lent basculement du palais vers le Campo del Moro et la vallée du Rio Manzanares ? On a le temps de voir. Une coulée de pâturin, Poa Annua souligne l’événement silencieux. Nous cheminons vers le Sud, contournons la masse de la Cathédrale de l’Almudena qui flanque le palais sur la gauche et descendons vers la Muralla Arabe.
Elles sont là. Colza en fleurs et giroflée, accrochés entre les pierres du vieil Alcazar, gigantesque amarante, acanthe à feuilles épineuses, un brome et ses épillets, dont Flora Helvetica[1] nous apprend qu’il pourrait être Bromus madritensis, brome de Madrid. Va pour le brome de Madrid. La muraille arabe est ceinturée d’une grille de métal que même les collecteurs de paquets de cigarettes vides et autres détritus ne peuvent franchir. Un ravissant jardin tout recouvert d’azulejos blancs et bleus : sol, fontaine étoilée, murs — le tout visible depuis un petit belvédère pavé.
Nous nous avançons pour admirer la merveille inaccessible et foulons aux pieds la petite pimprenelle, Sanguisorba Minor, et Trifolium Repens, le trèfle rampant logés dans le pavage.
Et ensuite il est l’heure de tremper les churros dans une tasse de chocolat, mais ceci est une autre histoire.[2]
[1] Flora Helvetica, Éditions Belin 2000
[2] Nous vous invitons à lire le premier épisode de cette botanique urbaine, initiée à Stockholm.
1 Commentaire
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Muséum de Toulouse, moukaouame driss, Olivier Dubuquoy et des autres. Olivier Dubuquoy a dit: http://www.urbain-trop-urbain.fr/pas-folles-les-herbes-2/ […]