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SPAM (Symbolic Pei Architecture for Money)

SPAM (Symbolic Pei Architecture for Money)

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Mr Yang Xiao était donc revenu dans mes pensées. J’avais même une copie de ce spam sur moi. Y aller? Cédant à une impulsion idiote que je ne m’explique toujours pas, peut-être par bravade, j’empruntai une de ces promenades couvertes surélevées qui donnent à ce côté de Hong Kong des airs de Venise en période d’acqua alta. De fait, une pluie fine se répandait sans rafraîchir aucunement l’atmosphère. Habitué malgré moi au climat londonien, la touffeur de Hong Kong m’était insupportable.

À l’approche de la tour, je mesurai ce que la complexité du site avait dû imposer aux ingénieurs, et notamment à Leslie Robertson, le père du World Trade Center de New York. La parcelle est très étroite et enserrée par un nœud de voies rapides: Garden Road, Colton Tree Drive, Queensway, Lower Albert Road… J’essayai de traverser, d’abord par le bas, puis, devant l’obstacle du flot de bagnoles, je remontai un escalier hélicoïdal jusqu’à trouver une nouvelle passerelle qui m’amène au bon trottoir. Le socle de la tour est habillé d’un parement de granit sur trois étages et les X mortifères se transforment alors en losanges, de bien meilleur augure dans les croyances géomantiques des chinois.

Une manifestation se déroulait juste devant la porte, sur le parvis. Si l’on peut parler de manifestation: six ou sept pauvres retraités qu’on a gentiment spoliés de leurs économies et qui cognent, là devant, sur des cymbales, tous les mardis. Mais pas à faire se craqueler les verres fumés de la tour, tranquille dans son mutisme.

Je franchis la porte de cristal, assez amusé d’être ainsi accompagné par un tel vacarme. Au lobby de ce temple financier, les cerbères sont jolies et en tailleur bleu. J’avisai rapidement le couloir des ascenseurs à gauche, dont l’accès nécessite un passe électronique. Face à moi, le comptoir d’accueil et derrière, l’escalier de prestige, lui aussi gardé. Je présentai ma requête avec l’air le plus sérieux possible. Bref, tranchant. Je dois voir Mr Yang Xiao, pour une affaire me concernant. La fille se mit à scruter son moniteur. L’espace de dix secondes et son visage se voile. Elle est visiblement interloquée. Elle se retourne et cause vivement à sa voisine, en cantonnais bien sûr. Mon ami Breughel, qui vit en reclus à Macao, juste en face, ne désespère pas de l’apprendre, le cantonnais. Mais, franchement, c’est une langue impossible, comme leur fichu climat.

Dans l’inanité sonore de ce babil, je laissai donc mon regard divaguer sur le dessin élégant des dalles en granit noir qui achève de transformer cet écrin en tombeau égyptien. Pei devait vraiment être morbide, à moins qu’il eût un sacré sens de l’humour dans son rapport à la Chine. Conciliabule terminé, la fille se tourne vers moi. Très calmement à présent, elle m’indique sur un papier à entête de la banque l’étage, le numéro de porte et l’ascenseur à emprunter. Ok. Thank you. Je lui laissai mon passeport en échange d’un passe et franchis le tourniquet de la ligne de contrôle tout en essayant de garder ma contenance. C’était tout à fait irréel. Alors l’expéditeur du spam existait? Je jetai tout de même un œil impressionné sur le magnifique évidement aérien de l’édifice dans l’atrium, et compris du coup la fonction des diagonales: la colonne centrale de la tour était reprise par cette ossature qui reporte les charges sur quatre colonnes d’angle composites. Malin.

L’excitation monte en même temps que l’ascenseur. Au 36e étage, je ne m’attarde guère au petit salon panoramique qui domine Victoria Harbour. Quelques enjambées et je suis devant le bureau de mon mystérieux correspondant. Je cogne à la porte. On me répond. Ce n’est pas possible, ce doit être un homonyme. J’entre. Alors c’est lui? Vieux, chauve à lunettes, en bras de chemise malgré la clim, le corps gras et engoncé dans une minuscule pièce triangulaire et sans fenêtre: nous étions dans l’arrête de la tour. Ne souhaitant pas que son regard interrogateur se prolonge plus longtemps, je lui tends l’imprimé de «son» mail. Mr Yang Xiao arbore aussitôt un large sourire et ses yeux vitreux se mettent à pétiller.

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1 Commentaire

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par aleph187b, URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: Une visite architecturale écrite en un style inédit http://ow.ly/1NQdX — Un article Urbain, trop urbain #Hong_Kong #Pei #architecture […]

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