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Tremblement sans fin

Tremblement sans fin

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Au début, c’est comme une distraction nouvelle. La ville ne construit pas son identité urbaine sur le passé mais sur le futur. L’épreuve de force est raisonnable. Une façon généreuse et risquée d’habiter le monde: comme chaque fois que le désir nous anime. La volonté de laisser un souvenir impérissable, faisons-le aussi pour l’énergie du futur. Tokyo se pense toujours dans l’après séisme. La diversité est contagieuse. Les terrains constructibles sont très rares au centre de Tokyo. Du texte et de sa copie déchire avec moi la ville. Elle nous divise par blocs. Ce qu’on croit connaître s’avère erroné, ce qu’on imagine est déjà dépassé.

Quand l’espace manque, il faut faire preuve d’imagination. Mais un peu plus tard ça pourrait changer. Délaissant la voiture, les habitants lui préfèrent le train. Sur certaines lignes de banlieues, des marques roses indiquent les wagons réservés aux femmes. Il faut une place de parking avant de pouvoir acheter un véhicule. Manière de vouloir à toute force composer des ensembles avec des éléments qui à première vue n’auraient rien à faire entre eux. Les grosses cylindrées sont interdites sur les routes japonaises. Comme tout objet de désir, ils sont condamnés à le manquer. On paye à la distance, et parfois selon les compagnies lors des interconnexions. La contagion est diverse.

Tokyo est par bien des aspects une ville de l’après-catastrophe. Je suis un tremblement sans fin, je suis un rideau sans fenêtre. Et j’efface par avance tout ce que je vais écrire. Tremblements de terre et typhons usent les structures des immeubles. Les constructions ont une durée de vie limitée. L’urbanisme peut être inventif, de toute façon il est provisoire. Exercice de la parole, écoute du monde. Énigmes dans la circulation du sens. Le monde fourmillant de relations et donc d’énergie. Quoi que ce soit d’autre ou rien du tout. Je vais vous dire ce que je veux, ce que je souhaite réellement, alors, dites-moi ce que vous voulez, ce que vous voulez vraiment, vraiment.

Tokyo se pense dans sa reconstruction. En raison du manque d’espace, on démolit des immeubles pour en bâtir de nouveaux. C’est une habitude désormais. Je résiste jusqu’au bout au vertige qui nous emporte. Un flot incessant de voitures, des tunnels et des autoroutes qui se superposent, s’enchevêtrent, passant à hauteur des fenêtres. Mettre joyeusement à jour le désir forcené de composer des ensembles, de les réunir. Le paysage de Tokyo n’en finit plus de se transformer. D’ici là, ne laissez pas la nuit terminer seule ce que vous aviez commencé.


Texte écrit par Pierre Ménard, qui invite sur le site Liminaire notre texte « Avec vue sur la baie » dans le cadre du projet de vases communicants: ’’le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.’’

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La Chine en perspectives

5 Commentaires

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Jeanne, aleph187b et URBAIN trop URBAIN, URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: #Tokyo par @liminaire http://ow.ly/1I4U1 — un article Urbain, trop urbain #vasescommunicants #urbanisme […]

  2. brigetoun
    à

    belle réflexion, mise en ordre des impressions devant prolifération

  3. KMS
    à

    Bnade son obligatoire :
    Pere Ubu : Thirty seconds over Tokyo
    http://www.youtube.com/watch?v=Rs3kKHhG4m0

  4. […] exhume aussi des chroniques pertinentes sur ce pays condamné à sa reconstruction éternelle. Son traitement par les médias questionne […]

  5. […] ne sachant même plus se recommander en confiance à la terre qui la porte. Où aller ? « Tokyo se pense toujours dans l’après séisme » écrivait encore Pierre ici même. Et en évoquant le travail de l’artiste Nurri Kim — sur […]

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