Les vieux dans les parcs de la Chine
Il y en a qui marchent en arrière, à un ou deux
Il y en a qui marchent en balançant des bras
Il y en a qui marchent avec les deux mains entre les omoplates et leur face s’ouvre sur la face du monde
Il y en a qui marchent en frappant dans les mains un rythme qui n’est pas celui de leur pas
Il y en a qui marchent en leur rythme
seuls
mais qui sont tellement connectés qu’on sent tourner la terre sous leurs pieds
Il y a celle qui debout devant un arbre
puis un autre
se frappe les épaules, se frappe les mains, se frappe la poitrine avec ses poings
Il y a ceux qui promènent leurs petits enfants et leur font tourner le vent dans des moulins
Il y a celles qui nouent le ciel et la terre sous les arbres
Il y en a qui chantent ensemble devant de grandes partitions
Il y en a qui chantent tout seuls avec un micro
Il y a ceux qui font du cerf-volant
et se donnent le rouleau qui relie aux nuages lointains
Il y en a deux un homme et une femme qui marchent en arrière sous les arbres
Il a ceux qui parlent entre eux en tournant le bassin de légers cercles très centrés
Il y a des femmes avec des épées, qui dansent dans un même geste
et le flux entre elles on le voit même avec des yeux de mortels
Il y a ceux qui dansent à deux, très nombreux
Il y a celui qui côte à côte imprime un nouveau pas de danse dans la hanche d’un autre
Il y a celle on ne sait pas si elle danse ou s’étire ou cherche le centre de son corps
Il y a ceux des cerfs-volants avec leur fil qui s’étire encore et encore
Il y a ceux qui jouent aux cartes avec des signes encore moins connus que les signes inconnus
Il y a ces merveilleux qui face à face se caressent les bras deux à deux dans un combat d’une tendresse sans merci
Il y a les autres qui font tourner leur diabolo entre les fils de leurs mains
Il y a les autres qui font tourner douze diabolos entre les fils de leurs mains
Il y a un autre qui les fait tourner entre les fils de son cou
et ça fait le bruit de l’ivresse entre les oreilles
Il y a les autres dans l’équilibre et l’ivresse du tournis
Il y a les autres qui se donnent les fils dans le cercle du tournis
Et puis il y a celui qui combat pour tous en jetant ses bras et ses pieds comme seul dans l’allée
Les vieux dans les parcs
Les vieux et les moins vieux
Les vieux dans les parcs de la Chine
C’est le souffle des millénaires
C’est le rachat de la terre
Je veux des vieux
Je veux des vieux là-bas
Je veux des vieux qui dansent dans le pays de la France
pour dire le monde que j’ai vu sous mes yeux
J’ai vu le ciel et la terre dans leurs mains
J’ai vu le vent sous leurs pieds
J’ai vu le feu j’ai vu le bois j’ai vu le fer j’ai vu l’eau de leurs yeux
J’ai vu les mains du destin dans le soleil du matin
J’ai vu les vieux
J’ai vu les vieux heureux
les bienheureux
2 Commentaires
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par aleph187b, URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: Les vieux dans les parcs de la Chine http://ow.ly/1BtO6 poétique de la ville, à #Shanghai […]
merci pour ce voyage. L’impression de m’y retrouver, j’aime le découpage inventaire de rues, gens, portraits, silhouettes, vieux dans les parcs, particulièrement ce dernier, qui m’a fait me souvenir de mon séjour, il y a 5 ou 6 ans, oui, les vieux dans les parcs, ceux qui calligraphient à l’eau claire, à même le sol, ceux qui chantent un air d’opérette connue que les passants reprennent, ceux qui pêchent les poissons rouges dans le parc public et partent ensuite en vélo, aquarium sur le porte-bagages, les revendre au marché aux animaux domestiques, sous un pont d’échangeur, ceux qui regardent un arbre, son tronc centenaire, parlent en touchant l’écorce, longuement, souriant gravement.