« J’aimerais me construire un tout petit cabanon au Tonkin. Ce serait mon Walden Pond et je m’emploierais à imiter Thoreau en écrivant au milieu des marais une nouvelle éthique de la nature, avec en paysage sonore le vacarme de fonderie d’Arcelor, les manœuvres des portiques portuaires et le roulement des poids lourds. »
Les deltas du Rhône et du Mississippi sont le théâtre d’intenses enjeux écologiques, historiques, industriels, sociologiques, politiques. Territoires intensément hybrides, ces deltas sont emblématiques des enjeux contemporains de la Terre.
De cette enquête au long cours, Matthieu Duperrex revient avec une série de 31 récits, placés sous le signe de 31 espèces animales et végétales. Entre théorie et narration, cet ouvrage invente une forme d’écriture originale, attentive aux entrelacs des vivants. Un grand récit des paysages contemporains.
Avec ses bouleversantes études de fleuves, Matthieu Duperrex parvient à faire de la sédimentation à la fois une science des sols, et une philosophie de la nature extraordinairement labile et silencieuse.
— Bruno Latour

Extrait

Combien de fois avais-je consulté ces statistiques pour cultiver mon étonnement, me persuadant du caractère spectaculaire de ce naufrage ? « Rendez-vous compte, au même rythme que le Bangladesh ! » J’exhibais une carte où figuraient toutes les pertes comptabilisées depuis 1930, et celles à venir d’ici 2030. Conforté par le bruit de fond du réchauffement climatique dont les actualités égrainaient au quotidien de nouvelles preuves, ayant accumulé la documentation suffisante à réifier mon imaginaire post-apocalyptique, je m’attendais – sans doute avec cette perversité naïve qu’ont les enfants qui contemplent l’inondation d’une fourmilière – à devenir le témoin d’une catastrophe sublime. Pline ordonnant aux marins de Misène de s’approcher davantage de l’éruption du Vésuve afin d’en être un chroniqueur plus précis… Je me figurais aussi que la Nature s’invitant ainsi à la porte de l’Histoire des humains, toute en majesté, devait faire un sérieux tapage. Mais d’une certaine façon, le voyage est un heureux apprentissage de la déception. Ce que l’on pensait voir et entendre, ce que l’on croyait devoir être manifeste et bruyant cède alors la place à des sensations ténues, ainsi qu’à une lente infusion, dans la perception, de réalités éthérées et muettes. On a affaire à des spectres, pas à des icônes. On abandonne alors les panoramas grandiloquents et, pour autant que l’on accepte d’être déconcerté un temps, on s’essaye à pister ces fantômes, à reculons. Rebrousser mes pas dans le mystère des deltas.

Double publication

Voyages en sol incertain bénéficie d’une double publication. L’édition imprimée est assurée par Wildproject et l’édition numérique augmentée par La Marelle. Le récit est accompagné par des encres de Frédéric Malenfer. La version numérique augmentée propose par ailleurs des séries photographiques et des vidéos de l’auteur.

Catalogue Wilproject Catalogue La Marelle

Actualité du livre
9 mai 2019 : Lancement du livre à la librairie l’Odeur du temps – Marseille (FB) | 10 mai 2019 : Lancement du livre à la librairie Petite Égypte – Paris (FB) | 15 mai 2019 : Entretien radiophonique pour le Journal Zibeline (écouter) | 27 mai 2019 : Entretien vidéo avec Jean-Christophe Cavallin pour le magazine Diacritik (lire/voir) | 31 mai 2019 : Recension sur le site Flânerie Quotidienne (lire) | 3 juin 2019 : Interview dans le magazine de la Gaîté Lyrique (lire) | 4 juin 2019 : Présentation du livre à la Gaîté Lyrique – Paris (FB) | 8 juin 2019 : Présentation du livre au Parc de Saleccia – Corte (FB) | 18 juin 2019 : Présentation du livre à la librairie Floury Frères – Toulouse (FB) | 22 juin 2019 : Présentation du livre à Martigues à l’occasion d’une conversation marchée (info) | 21 septembre 2019 : Recension par François Bon28-29 septembre 2019 : invitation de la Fondation Michalski pour l’événement « L’écriture des lieux » | 1er octobre 2019 : Lecture par Jean Prod’hom10 octobre 2019 : table ronde à Toulouse avec Catherine Jeandel et Sinda Haouès-Jouve | 16 novembre 2019 : Présentation du livre au Festival Image de Ville | 26 novembre 2019 : recension par Bénédicte Ramade pour la revue Critique d’art16 janvier 2020 : conférence à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux | 18 janvier 2020 : présentation du livre à l’Artothèque Ouest-Provence | 29-30 janvier 2020 : interventions diverses au festival À l’école de l’Anthropocène à Lyon | 4 février 2020 : intervention au séminaire « Arts de dire, arts de voir dans un monde abîmé » (Marielle Macé) au théâtre des Amandiers Nanterre | 5 février 2020 : conférence à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles | 12 février 2020 : conférence et performance à l’Université de Corse, Corte
Ce qu’on en dit

« Dans ce monde abîmé, il nous faut de nouveaux récits – des récits qui puissent raconter les conflits écologiques, faire place à d’autres voix et à d’autres formes d’existence, documenter ce qui est et imaginer ce qui vient. En voici d’exemplaires, et stupéfiants : récits d’eau douce et d’eau salée, de rivières étranglées, de sédiments, de rencontres, de saccages et de revies… Matthieu Duperrex se tient “là où les eaux se mêlent”, et raconte en trente-et-une histoires et un poème le fantastique embrouillement de lignes de vie et de lignes de mort que recèlent aujourd’hui les deltas. »

Marielle Macé, historienne de la littérature

« Matthieu Duperrex compose ses récits paysagés de strates métamorphiques savamment pétries de lieux, de temps longs et de catastrophes, d’anecdotes et de chiffres, d’humains, de plantes et d’animaux. Fils naturel ou féral d’Anna Tsing et de Hugo, il conjugue dans ses intrigues la diligence de l’enquête à l’urgence de l’incantation. »

Jean-Christophe Cavallin, critique, magazine Diacritik

« Comme tous les livres importants, Voyages en sol incertain reconfigure le rapport du langage au monde. »

François Bon, auteur

« De cette géopoétique critique rédigée comme une épopée initiatique souvent truculente bien que profondément accablante, ce récit de voyage particulier construit un Anthropocène singulier, plus tendre, bien que tout aussi menaçant que sa version technocratique ou purement stratigraphique. »

Bénédicte Ramade, critique d’art

« Loin des considérations théoriques éthérées, cet ouvrage est à la fois fascinant du fait de son appréhension des enjeux environnementaux, son invitation à “accueillir ces nouveaux colocataires” non-humains présentés dans chacun des microrécits, et pour sa capacité à renouveler l’enquête aujourd’hui… avec un équilibre de chaque instant entre considérations théoriques légères au tout début et évocations poétiques qui vont croissantes au cours du livre. »

Nicolas Nova, anthropologue

« Une lecture du monde à partir de ses sédiments où se croisent enjeux contemporains, profondeur historique, descriptions poétiques, anecdotes et récit subjectif. Donne à penser, à rêver et à se divertir. »

Benjamin Pelletier, auteur

« Un livre d’une absolue nécessité. C’est l’œuvre d’un écrivain et d’un observateur passionnant des enjeux les plus essentiels de notre planète. »

Hervé Floury, Librairie Floury Frères

« Nous voilà face à des mondes que nous n’avons pas su apprécier, avec lesquels nous n’avons pas su composer… Que nous n’avons su que défaire, décomposer… Et que nulle nostalgie ne ramènera. Quand bien même nous souillerions nos chaussures, les colorants de boue… Pour croire que nous pouvons entrer encore en relation avec “la texture du monde”. Magique et poétique ! »

Hubert Guillaud, journaliste


Valero2

Un récit issu d’une résidence à La Marelle

Chaque année, La Marelle organise, en association avec Alphabetville et Le Bec en l’air, un appel à projet destiné à concevoir une œuvre littéraire d’un format numérique, que les candidats doivent élaborer durant une résidence de création d’une durée de six semaines. Matthieu Duperrex, adossé à Urbain, trop urbain, est le lauréat de l’édition 2015 avec Sédiment(s), une mise en écho des deltas du Mississippi et du Rhône au travers d’une écriture documentée, dans la continuité de Gaïa in Nola.
Les sédiments fixent dans leur jeune histoire ce que le sol rend de la marche industrielle forcée de la civilisation occidentale. Ce temps géologique invite donc dans sa matérialité-même les événements humains, comme si un raccourci était à présent ménagé entre des plans de durée qui n’avaient rien à voir entre eux auparavant. Ou tout du moins, c’est ce que nous avions cru apprendre: qu’il n’y a d’histoire que celle des hommes.
Les sédiments des deltas annoncent à présent cette nouvelle époque, celle où la temporalité des choses de la terre s’invite dans celle des hommes et la questionne. Peut-être sommes nous en train de sortir du rêve éveillé d’une Modernité hors sol? Peut-être que l’arrachement à cette existence éthérée de la croissance économique prédatrice passera par la gifle d’un changement de paradigme? It’s the Geology, stupid.
À propos de la Marelle

LaMarelle_header-05Implantée depuis 2010 à la Friche de la Belle de Mai (Marseille), La Marelle soutient la création littéraire et accompagne les auteurs dans leurs projets en leur offrant un espace de vie, des moyens financiers et humains. Elle édite, produit et diffuse des œuvres singulières, innovantes et généreuses.

Site Internet


Fos-sur-Mer, Bouches-du-Rhône
Fos-sur-Mer, Bouches-du-Rhône
Lauderdale, Louisiane
Lauderdale, Louisiane
Nouvelle célébration des sédiments, performance de Matthieu Duperrex
Nouvelle célébration des sédiments, performance de Matthieu Duperrex
Pipelines Songlines, performance de Matthieu et Ludovic Duperrex
Pipelines Songlines, performance de Matthieu et Ludovic Duperrex

 

 


 

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