Les leçons du parasite
À l’intérieur de ses centaines de kilomètres de murs de protection contre les inondations, la Nouvelle Orléans vit avec l’eau. Une relation ambigüe, car se débarrasser des eaux stagnantes et des marécages pour exploiter le foncier est un leitmotiv depuis le XVIIIe siècle. Avec le drainage intensif, des lieux qui étaient au niveau de la mer sont devenus des quartiers jusqu’à trois mètres sous le niveau de la mer. C’est ce qu’on appelle la subsidence des sols. Chaussées défoncées, affaissement des fondations : on en voit partout les signes récurrents en se promenant dans la rue.
J’apprends aujourd’hui qu’un parasite se développant dans les eaux stagnantes, Naegleria fowleri, est présent dans les canalisations du système d’eau potable de St Bernard Parish. Pénétrant dans l’encéphale à partir des fosses nasales, il est vecteur de la méningo-encéphalite amibienne aiguë primitive. Cette maladie hydrique est mortelle, les patients diagnostiqués ne vivant guère plus de deux semaines après l’apparition des symptômes. C’est extrêmement rare, mais des cas ont été recensés aux États-Unis. Un enfant de quatre ans en a été victime il y a deux ans en Louisiane.
Pour éliminer le parasite, une chloration du réseau de distribution a été prescrite pour une durée de 60 jours. L’objectif est d’amener le taux résiduel de chlore dans le réseau à 1 milligramme par litre.[1] Les vannes de vidange sont toutes ouvertes dans certains lotissements d’Arabi, les zones les plus basses en altitude évidemment, pour que la purge ait le maximum d’effet.
Il s’agit ici d’un parasite « naturel » des eaux stagnantes qui rappelle de façon critique à la Nouvelle Orléans sa géographie si particulière et la morphologie de son sol. Mais le Clean Water Act de 1972 est régulièrement enfreint par des pollueurs industriels sans vergogne. Le bas cours du Mississippi ne se surnomme pas pour rien Cancer alley : tout autour il y a des raffineries. La Nouvelle Orléans héberge à elle seule 5 des 17 raffineries de la Louisiane. Arsenic, Benzène, Mercure, Plomb, biphényles polychlorés (BPC)… La liste est longue des rejets qui contaminent l’eau « potable » et l’environnement.
[1] La concentration en chlore libre de l’eau traitée doit être selon l’OMS de 0,2 à 0,5 mg/l.
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