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Jessica Biermann-Grunstein

Jessica Biermann-Grunstein

Auteure de poésie plastique, aussi bien littéraire que picturale. Vit et travaille en Bolivie. Son site Internet.

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Le chef l’a regardé, du haut de son âge et de son savoir et lui a demandé : « Comment es-tu arrivé jusqu’ici ? — J’ai marché sur la mer. »
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C’était à l’époque, quand j’ai rencontré mon mari, j’étais si jeune, je l’ai suivi dans le bateau sans réfléchir, et j’étais fière de partir si loin, en métropole mounwar ! Mais je n’avais aucune idée d’où j’allais.
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Chacun avait refait la scène avec des « si », parce que je ne connais personne qui ne verse dans la faiblesse de se dire, pendant une heure, pendant un jour, pendant un mois – en spirale : il n’aurait pas dû essayer de fuir, peut-être qu’ils ne l’auraient même pas arrêté.
La ville est une arène 7 ©Sébastien Mazauric

Pour obtenir le visa d’étudiant français, il faut passer un test du VIH, une radio des poumons, et pendant la visite médicale on regarde l’intérieur de ta bouche et toutes tes dents. Moi ça me rappelle quelque chose, mais je pense que vous avez compris.
La ville est une arène 6 ©Sébastien Mazauric

La fuite oui, il ose se le dire pour lui seul. Il n’aurait pas honte de le dire à un ami, mais il n’en a pas. La fuite, c’est un mot derrière lequel personne ne sait vraiment ce qu’il faut endurer, mais à quoi bon tenter d’expliquer l’indicible.
La ville est une arène 5 ©Sébastien Mazauric

Et cet horizon… toujours le même, la ligne violette des crêtes, le plateau, Ronel au loin dans la vallée avec le cimetière qui couvre la pente derrière l’église, tournant le dos au village… seule alternative à Paris, c’est comme d’être en cage.
La ville est une arène 4 ©Sébastien Mazauric

Il explique qu’il est venu pour les résultats du baccalauréat, qu’il a passé en candidat libre cette année, en fait c’est la deuxième fois, et il ne sait pas à qui s’adresser. Si, il a été au bureau mais les gens avaient tous l’air très occupés. Oui, il vient.
La ville est une arène 3 ©Sébastien Mazauric

Personne ne sait comment il est arrivé jusqu’ici et il se tait avec application quand on le lui demande, habitué à filer par les portes, à se cacher, à escalader le mur du fond de la cour quand un contrôleur ou un policier arrive à l’improviste.
La ville est une arène 2 ©Sébastien Mazauric

Je lis dans leurs regards aux gens; ils sont gênés, ils baissent les yeux, ils posent une main sur la vitre pour se faire croire qu’ils l’ont eux aussi un peu ouverte la porte, mais c’est faux. Tout ça pour ne pas avoir à me regarder, à me dire merci ou pire: à me faire face.
La ville est une arène ©Sébastien Mazauric

Se rappeler du jour où il était arrivé en France était trop difficile, trop flou ; celui dont il se souvenait en revanche nettement était celui de son départ, mais il essayait de toutes ses forces lasses d’éviter à sa mémoire de revenir en arrière à cet endroit-là.