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Nassim – la ville est une arène #4

Nassim – la ville est une arène #4

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Les couloirs sont vides, la cour est déserte, à sa silhouette on devine que Nassim se sent perdu et même complètement désœuvré, ses bras pendent contre son buste et semblent s’allonger à mesure que ses épaules tombent et que sa tête rentre honteusement dans son cou ; ça fait une chaîne écroulée.

Il y a là l’effondrement, il y a là la peur. Ça se voit même de loin.

Nassim tourne finalement les talons avec lenteur, hésite, et recommence sa recherche sur le même trajet, à l’inverse, quand il croise un homme jeune et pressé à qui il dit bonjour, qui lui répond, qui le regarde et qui a l’air prêt à l’écouter. « Vous cherchez quelque chose ? »

Le jeune homme l’écoute, Nassim explique.

Il explique qu’il est venu pour les résultats du baccalauréat, qu’il a passé en candidat libre cette année, en fait c’est la deuxième fois, et il ne sait pas à qui s’adresser. Si, il a été au bureau mais les gens avaient tous l’air très occupés alors il n’a pas osé les déranger.

Oui, il vient. Il suit le jeune homme qui l’a écouté – regard clair-obscur enfoncé dans des orbites creuses sous des arcades sourcilières fortes, regard qui a eu la délicatesse d’effacer la compassion quand elle s’apprêtait à surgir.

Retour au bureau où s’affaire, dans la chaleur épaisse, le personnel absorbé qui attend avec impatience la fin de la journée. Le jeune homme fait l’intermédiaire, se renseigne, mais personne ne sait. « Candidat libre ? Vous êtes sûr que vous l’avez passé ici, votre bac ? » Nassim est sûr, évidemment, mais il ne semble pas s’offusquer de la question.

Finalement : « C’est Monsieur S., le C.P.E. qui doit savoir dans quelle salle trouver les résultats des candidats libres. »

Nassim accroche son regard au visage du jeune homme qui a déjà fait un mouvement signifiant : pas de problème, je vous emmène, je ne vous laisse pas. Alors Nassim le suit, il reste sur ses pas.

Monsieur S. s’est fait un torticolis à force de stress, comme chaque année pendant le bac, il cherche, il fouille, rien n’y fait. De mauvaise grâce : « Allez voir Madame la Proviseur, je ne comprends pas, je ne sais pas où sont vos résultats, je suis désolé. »

Bureau de la Proviseur, plaque dorée gravée sur la porte, le jeune homme frappe trois coups, « Entrez ! », ils entrent et Nassim se tait tandis que la conversation qui s’engage le laisse à l’écart. Il voit un peu flou, il fait tellement chaud à Montauban en cette après-midi de juillet, il attend. Ce sont les bruits aigus des touches du téléphone qui le sortent de son absence, le jeune homme lui explique alors : « Il faut contacter l’Académie, on a perdu votre dossier. » Un éclair d’angoisse traverse Nassim, toujours muet.

Quand la Proviseur raccroche, elle lui annonce :

« Vous n’êtes pas reçu pour cette année, désolée, et vos notes ne vous permettent pas non plus d’aller au rattrapage.

– D’accord.

– Vous pourrez retenter l’année prochaine.

– Oui. Oui, je le ferai. Mais j’aurai besoin de mon dossier scolaire pour me réinscrire.

– C’est arrangé avec l’Académie, nous allons le recevoir en début de semaine prochaine. Vous n’aurez qu’à repasser.

– D’accord, merci Madame. »

Nassim et le jeune homme sortent, leurs pas résonnent dans le couloir désert et figé dans le soleil.

– Merci beaucoup de m’avoir aidé. Au revoir.

– Au revoir. »

Nassim repart sous les yeux du jeune homme, traverse la cour déserte, sa silhouette un peu plus droite, la tête assez haute maintenant, un peu de déception mais il est soulagé surtout, soulagé d’avoir réussi à obtenir les informations et qu’on ait retrouvé son dossier.


La ville est une arène où les hommes sont dissous, c’est la série de l’été sur Urbain, trop urbain. Dix rencontres entre les textes de Jessica Bierman-Grunstein et les dessins de Sébastien Mazauric, alias Uttarayan… … à suivre par ici.

Auparavant

Shamshad – la ville est une arène #3

Ensuite

Rebecca – la ville est une arène #5

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