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Et peut-être que New York c’est la Venise du nouveau monde

Et peut-être que New York c’est la Venise du nouveau monde

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Rem Koolhaas suggère à plusieurs reprises que les architectes du manhatanisme ont eu Venise dans l’œil pour régler les questions de circulation dans New York. Les flots de la rue — voitures et piétons — comme canaux.

La caractéristique de Venise est qu’on ne peut s’arrêter comme on veut ni où on veut puisqu’on circule en bateau. A NYC, l’arrêt est difficile : impression de rater un train par minute pour certains, et la vue posée impossible : le gigantisme des immeubles fait qu’on ne les voit jamais en entier.

On ne perçoit les buildings que de leur rez-de-chaussée, à hauteur de la rue- comme les palais ont leur étage de réception donnant sur le Grand Canal, étage d’apparat illuminé la nuit pour être vu derrière les rets de pierre ou sur les larges jardins au-dessus de l’eau. À New York, décorum : le Waldorf Astoria, le Rockfeller ou la version de Renzo Piano pour le New York Times, le Foster ou encore le Herzog et de Meuron. Hôtels, habitations, centre des congrès, centre commercial, même principe : faut que ça blinque où on voit.

Venise, c’est la ville d’entre l’orient et l’occident de l’Ancien Monde, et c’est la vile du premier Ghetto. New York, c’est la ville de toutes les communautés, mais chacune reste dans ses quartiers.

Venise ville de commerçants, New York ville de la finance.

Chacune se vit comme une utopie. Chacune dit : je suis qui je suis, pas de comparaison possible avec le reste du monde. Et à ce titre, suscite jalousie, haine, violence. Sollers dit de Venise que si les terroristes islamistes y comprenaient quelque chose au monde, c’est là qu’ils perpétreraient leur attentat le plus fort. C’est dans Femmes, et c’est en 1982. Or c’est à New York que ça s’est passé pour les raisons que B. White donne dans Here is New York en 1949 : beauté trop évidente, volonté arrogante d’être à part, de lier esthétique et éthique, trop d’optimisme, trop de réussite.

Chacune est un manifeste : on ne vient pas vivre à Venise ou à New York par hasard. On le fait par volonté, par choix de vie — beauté à Venise et (version new-yorkaise de la beauté) réussite à New York. Habiter l’une ou l’autre fait qu’on change de nature : être vénitien, être new-yorkais, ça oblige.

Il y a une unité architecturale de Venise (la rosace et la façade lumineuse en marbre) et il y en une aussi à Manhattan — ce que montre Rem Koolhass.

Il y a des espaces limités, par l’eau ou par le flux des voitures. Et ces plans qui choisissent des solutions radicalement opposées à un même problème, celui de la congestion. Le labyrinthe le plus entrelacé possible vs la trame la plus régulière qui soit. Mais on retrouve le labyrinthe à l’intérieur des blocs, en hauteur : jeux d’ascenseurs, escalators, niveaux. Deux espaces limités qui donnent l’expérience de l’infini.

C’est un mythe qui sombre et qu’on ramène en surface : Wall street center qui renaît, et la ville toute entière qui n’en finit plus d’être sauvée des eaux. Il y a l’éternel retour.

Ouvrages cités :

– Rem KOOLHASS, New York délire, Parenthèses, 1978

– Philippe SOLLERS, Femmes, Gallimard, 1982

– E.B. WHITE, Un air de New York, Buchet-Chastel, 2001

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2 Commentaires

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: Et peut-être que New York c’est la Venise du nouveau monde — article Urbain, trop urbain http://ow.ly/1AbLt […]

  2. ValDavid
    à

    « Venise ville de commerçants, New York ville de la finance. » Pour moi, ces deux villes sont avant tout originellement des ports.

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