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Vous avez dit exode rural?

Vous avez dit exode rural?

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Shanghai compte plus de 6 millions d’habitants au début des années 1960. Elle est déjà la plus grande ville de Chine, un pays majoritairement rural. Il n’est donc pas étonnant que les besoins métropolitains de Shanghai structurent assez tôt les rapports du maraichage et de l’industriel dans la banlieue de la ville. On peut voir l’insinuation, dans les espaces résidentiels, d’une agriculture intensive qui optimise le sol. Mais on peut voir aussi des déplacements d’industries en marge du centre urbain qui induisent des relogements des populations rurales dans de grandes tours d’habitation. On voit même émerger des gatted communities dysnéifiant la «ville à la campagne», de nouveaux espaces de loisir, des country resorts

Outre ce mouvement de reconfiguration des rapports ville/campagne, la densité de population des espaces ruraux, pas forcément dédiés à de la production agricole, demeure une ligne de force de la périphérie métropolitaine. Il n’est donc pas aisé de démêler la ville de la campagne; c’est un casse-tête pour les démographes: l’urbain n’est pas forcément celui qui réside en ville, mais celui qui est étiqueté comme «non agricole» (fei nongye). Le réseau des bourgs et villages est conforté plutôt qu’affaibli par la proximité de la grande ville. Certains bourgs gagnent le rang de villes par l’adjonction de services urbains. La place de l’industrie dans l’économie des bourgs ruraux du Grand Shanghai est considérable.

Côté agriculture, avec le blé, le riz, l’orge, le soja, les oléagineux, la part de la surface cultivée en dehors de la zone urbaine oscille de 50 à 70% selon les régions. Les céréales sont bien sûr prédominantes et soumises à une culture intensive, mais les potagers sont très importants dans le pourtour immédiat de la zone urbaine, occupant jusqu’à 30% de la surface agricole. Les petites exploitations tiennent leur rôle dans cette économie agricole. Ajoutons que sociologiquement, elles assurent aux familles une subsistance garantie, y compris en louant un lopin de terre et un toit, ce à quoi les plus pauvres de la ville ne peuvent prétendre.

Il y a une porosité grandissante des rapports de la ville et de la campagne dans l’histoire récente, la ville polarisant aujourd’hui ces relations à rebours du cloisonnement voulu par l’idéologie maoïste. Les espaces ruraux sont intégrés dans les fonctionnalités de la mégalopole shanghaienne, tout autant «bassins» de recrutement qu’interstices de refuge, selon les mouvements pendulaires orchestrés tant par les nécessités de la ville et son immense appétit de main d’œuvre que par les privilèges de la campagne. Si donc l’anonymat gagne, si la loi du hukou s’estompera à coup sûr, cela ne signifiera pas forcément une porte ouverte à un exode rural massif. La prochaine transition urbaine de la Chine est inéluctable, mais ce pays dispose de ses propres lois de composition des rapports ville/campagne, qui font mentir les principes posés par les démographes et économistes occidentaux dans les années 1950.

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1 Commentaire

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