Ta maquette

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Là, tu poseras une forêt d’immeubles, une forêt profonde avec des arbres de géants. Oui, il en faut beaucoup. Non, tous hauts, très hauts. Tu penseras aux feuilles. Oui, les enseignes. Oh, de la couleur que tu veux. Tout ce que tu trouves. Enfin, du rouge et du jaune surtout. Pour la peinture des immeubles, des gris, perle et anthracite pour le centre, béton pour le reste, avec du vert ou de rose de temps en temps. Et des fenêtres par milliers.

L’éclairage, tu me fais du brumeux, du londonien à l’ancienne, ça ira bien. Enfin, pense qu’il fait chaud. Pour la nuit, tu penses aux halos. Oui, il y fait chaud, il y fait moite. La nuit, on est comme dans une chambre d’amants. Des amants après l’amour qui ont la nuit pour eux. Non, la pluie ne refroidit pas, le vent non plus. Ben, à la peau. Les passants, tu les fais avec la peau qui perle un peu.

Les figurines? C’est simple, il en faut de partout. Évidemment, des chinois, mais des chinois de toute la Chine, surtout du sud. Et puis des gens de la mer de Chine… Bangkok, Singapour, Manille. Il faut des américains, des anglaises en habits légers. Des filles des îles avec des shorts bien courts. Plus ou moins. Des gars un peu malformés avec des bermudas et des poils au mollets. C’est pas tout. Il faut toute une armée de costards et des tailleurs, genre financiers, oui. Plein, tous pareils, oui. Non, pas la peine. Oui, Oui, quelques africains, aussi, on les mettra dans l’immeuble de Chungking. En tout? Beaucoup. Beaucoup-beaucoup! Tu imagines? 7 millions! Mais noooon… Je t’ai déjà raconté, Walled City? Deux cent mille au kilomètre carré. Non 26 hectares, en fait. Voilà. Quand on les met dans la rue, en haut, ça dévale jusqu’en bas de la ville. Oui, sur l’île. Ça fait comme un torrent. Petites rues-petits ruisseaux, grandes rues-rivières. Et tout en bas, le flot du fleuve des gens. Oui, mais en fait ça ne se mélange pas. Ben, il faudra les répartir selon les quartiers et selon les métiers.

Et le flot du fleuve des voitures aussi. Ah oui! L’acqua alta! Tu mets des passerelles pour les piétons, en bas. Ben non, c’est les voitures. Beaucoup de rouges, oui, parce que beaucoup de taxis. Et des escaliers pour les pentes, avec un escalator. Oui, un escalator qui monte la colline. Non, en face c’est plat, plutôt plat. Oui, oui, la même forêt. Pareil. Plus d’enseignes: il y a un centre commercial tous les blocs. Plus loin, c’est plus habité. Non, non, ils sont partout, c’est seulement qu’on dirait un centre commercial géant, au sud de la péninsule.

Là, de tout. Tout ce que tu trouves tu le mets. Des bips, du sourd, de l’aigu, du continu et du discontinu, du bruit de fond, tout le temps. Beaucoup et tout le temps. Des voix aussi, beaucoup. Cantonnais et anglais surtout. Voix humaines, bruits mécaniques, sons magnétiques et synthétiques. De ça, énormément. A chaque instant. L’espace parle avec des sons magnétiques et synthétiques: passages piétons, commerces, radios. Faut qu’on rêve que d’une chose, à la fin, de silence… D’air et de silence.

Oui. Il y a de la verdure tout autour de la ville. Il faut même qu’on ait l’impression que les immeubles ont été posés dessus, à la place des arbres. Ce serait comme un village accroché sur la côte méditerranéenne. Sauf que toutes les maisons font au moins trente étages, et qu’elles avancent sur la mer. Avec les polders. Du sable, des engins, des grues. Et la vie dans tout ça? Je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Une buse, une buse qui plane au-dessus.

Auparavant

Kowloon Walled City

Ensuite

Variations sur l’escalier

3 Commentaires

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par URBAIN trop URBAIN. URBAIN trop URBAIN a dit: "Ta maquette", une lecture urbaine de #Hong_Kong http://ow.ly/1DjxU Sur Urbain, trop urbain, si vous le voulez bien. […]

  2. soléo
    à

    Merci Claire, merci alors que mon thé se perd dans l’aperçu que j’ai sur les toits, qu’un homme siffle en bas, une voiture ronfle et que ma maison une fois de plus prend des allures de bateau posé dans une ville

  3. […] Comme dans une ville menacée d’acqua alta, Hong Kong soigne ses piétons, les abrite du flot rugissant des voitures rouges. Alors qu’ils aillent un peu plus haut!, grâce aux escaliers dérobés: évolution des passants en apesanteur, autour des immeubles, nouveau lacis de rues préservées dans la canopée des arbres (ces multiples petits parcs où il est interdit de fumer)… […]

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