Tant qu’il y aura
Tant qu’il y aura des points de vue avec accès payant sur bijoux de pacotilles, tant qu’il y aura des entrées gratuites pour les enfants le long de cette artère fourmillante et crasseuse, tant qu’il y aura l’apéro offert au groupe en terrasse devant la façade 1933 d’un superbe immeuble de rapport, tant qu’il y aura le quartier libre dans la rue commerçante, ancienne Rue de l’église dédiée au roi, tant qu’il y aura des bus sightseeing avec écouteurs à brancher dans le siège mais sans musique, tant qu’il y aura des bornes où retirer ses places, tant qu’il y aura des plans d’accès avec sens de visite au nord de la place éponyme, tant qu’il y aura des pierres, des pierres oui mais ces pierres, tant qu’il y aura des donjons vermoulus de temps, aux anneaux de fer encore fonctionnels si, tant qu’il y aura des heures d’ouverture et des tickets pour vérifier qu’on est sorti, tant qu’il y aura ce quartier rugueux et authentique situé hors des murs du vieux centre, tant qu’il y aura des audio-guides avec accès numéroté pour tel, tel et tel et tel lieu, tant qu’il y aura des guides sages-sages multi-diplômés pour te raconter des histoires, tant qu’il y aura ce sol refait à l’ancienne contrastant avec l’opulence décrépie du bâtiment principal, tant qu’il y aura l’église actuelle qui fut construite vers, tant qu’il y aura les grâces du rococo qui se manifestent, tant qu’il y aura la cour du palais que vous traverserez allègrement après cette petite pause café, tant qu’il y aura l’ancien salon qui conserve un des plus beaux témoignages, tant qu’il y aura la place le long de laquelle des galeries d’artistes contemporains de renom, tant qu’il y aura des œuvres dignes d’intérêt, tant qu’il y aura la fontaine qui surmonte un ensemble baroque, tant qu’il y aura la vue dans le prolongement de la rue en contrebas du guet, tant qu’il y aura le bus n°3 du centre ville vers le stade, tant qu’il y aura le rassemblement sur le port en face du quai 9 tous les jours à 9h30, tant qu’il y aura ce trajet balisé en montagne avec ce chemin qu’il ne faut pas prendre et qui descend après ces fourrés derrière lesquels, tant qu’il y aura un bon marcheur pour mettre quatre heures, tant qu’il y aura ceux pour faire la traversée en train en bateau à cheval à vélo, tant qu’il y aura des travaux pour avoir duré 72 ans, tant qu’il y aura le plus grand parc de la ville, tant qu’il y aura le plus long canal le plus haut pont la plus vaste cathédrale, tant qu’il y aura des pays pour faire entrer des touristes, tant qu’il y aura le taux de change, tant qu’il y aura des coutumes et des langues, tant qu’il y aura le passé.
Texte écrit par Joachim Séné, qui invite sur son site le texte Oraison noire dans le cadre du projet de vases communicants: “le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.’’
2 Commentaires
si bien dit, qu’aimerais presque le voler pour, avec légères variantes dans les siècles ou bâtiments, dire tant qu’il y aura des pays pour faire entrer des touristes et tant qu’il y aura le passé dans la mienne ville (et besoin en avons)
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par aleph187b et URBAIN trop URBAIN, Joachim Séné. Joachim Séné a dit: http://ping.fm/rwjFn échange avec Urbain, trop urbain http://ping.fm/hF5HX #vasecommunicants […]