Bas-côtés

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908e jour de voyage. Périphérique de Toulouse.

Ce qui pourrait être vrai ici pourrait tout aussi bien l’être ailleurs. Ainsi vont les mythologies urbaines. Ainsi se répandent les rumeurs…

Ici, un félin — échappé d’un zoo selon certains, d’un cirque selon d’autres — aurait été aperçu à de multiples reprises. L’animal serait, d’après les témoignages, plus gros qu’un gros chien. Difficile cependant de se prononcer sur sa race (peut-être un jaguar, peut-être une panthère).

Ici, il y a huit ans aurait été retrouvée garée sur la bande d’arrêt d’urgence, clés au contact, autoradio encore allumé, la 307 de Jacques G., 46 ans, marié, père de deux enfants, brillant ingénieur chez Arianespace.

L’homme, depuis, n’aurait donné le moindre signe de vie. Pour expliquer cette mystérieuse disparition, on évoquerait des histoires d’espionnage.

Dans cette portion-ci du périphérique, à l’ouest de la ville, il arriverait fréquemment les jours de grandes pluies que la chaussée soit envahie de grenouilles (des centaines, voir des milliers) devenant ainsi impraticable. Le phénomène serait bref (à peine quelques minutes), inexplicable.

Ici, d’un pont surplombant les voies, seraient régulièrement jetés des corps éviscérés de femmes, souvent très jeunes. Des russes ou des ukrainiennes. Sans doute des prostituées “punies” par leur réseau. À moins que les pauvres ne soient les proies d’un serial killer.

Ici, un Cessna en panne de moteur se serait posé de toute urgence, en plein cœur d’un trafic de fin d’après-midi — sans occasionner le moindre accident !

Ici, une petite centaine de cochons se serait répandue sur les voies après que le camion qui les transportait se soit renversé. Plusieurs jours auraient été nécessaires pour tous les rassembler (il paraîtrait même que deux des cochons n’aient jamais été récupérés).

Dans cette portion du périphérique, des braqueurs — avant d’être abattus sur un barrage routier — auraient caché le fruit de leur casse (succursale de la Société Générale, quartier des Minimes). L’argent n’aurait jamais été retrouvé.

Ici aurait été interpellé un joueur du Stade Toulousain surpris à errer sur les voies, passablement éméché et habillé en femme.

Des élus de tous bords politiques auraient fait pression sur la police afin qu’il soit libéré au plus vite (et pour étouffer l’affaire), l’équipe jouant une finale du championnat quelques jours plus tard (finale au cours de laquelle, du reste, il se serait montré particulièrement décisif).

Ici, les nuits de pleine lune, les bords des voies seraient hantés par deux jeunes blondes aux cheveux longs — des sœurs jumelles. Elles déambuleraient, complètement nues, adressant des signes de la main aux usagers du périphérique interloqués. Personne n’aurait jamais réussi à les approcher vraiment. Personne ne saurait qui elles sont.

Ici, dans les bosquets qui surplombent les voies, vivrait en ermite un homme dont la fortune se compterait en millions d’euros.


Texte et images de rumeurs par Olivier Hodasava qui invite sur son site Dreamlands Matthieu Duperrex, de Urbain, trop urbain, et l’article « Pour une introduction à l’autonautique » dans le cadre du projet des Vases communicants : “Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.”

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1 Commentaire

  1. Virginie Lou-Nony
    à

    C’est magnifique cette horreur!!! On a envie de savoir la part de création collective, les racontars, et la part de création de l’auteur, des auteurs peut-être s’ils communiquent leurs vases? En tout cas, le résultat est saisissant.

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