Parlant population
La Population ici, c’est la Marouque
la Bourouque
la Biroubouque
la Gorguena
la Flandoche et la Pouperougue
la Roboueuse
la Clivette à gli gli
la Pastre (glave, glavâtre, biraleuse),
Et l’Étarissol
Et la Clamidoise la Claliouscusse
Et c’est la Prianthe
la Snique
la Lipatte et l’Avogandron
l’Acrodotte et la Chrapone, surtout la Chraponne
la Limeille tratte à vratte et vrotte à pratte
et la Cataphanouille
Ici sont les Botabars
les Épotobars de Rronangad
les Abaratanangars de Rogarrasse
les Borotonyas Éidéiéssés
les Baratannyessasa Épitassis
mes Abels
et les Caïns, dont je ne vois pas la fin
qui dans l’emmêlement ouvrent marche à la lumière
Voilà mes gens,
voilà les miens
mon groupe
ma patrie apatride
Et s’il se trouve quelqu’un du dehors
pour se prétendre mon frère, mon parent, mon cousin
ou seulement « pays à moi »
Quoi ? Comment ?
Je ne le connais pas
Je ne le distingue pas
Je ne le vois pas
Je ne l’entends pas
Je le traverse
Il n’est pas d’ici
Il n’est pas de ma population
Et même la population d’ici, je ne me suis pas promis à elle
un jour viendra, je la laisserai derrière moi
je la renierai
je l’abandonnerai
Il faudra qu’elle face place
Je vais à une population
que ma population d’à présent cache et dérobe
je vais à une population de derrière ma population
à qui par celle-ci la route sera alors ouverte.
Henri Michaux, « À distance »
1 Commentaire
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