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Pas folles, les herbes #3 Istanbul

Pas folles, les herbes #3 Istanbul

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Dans le néant des villes se glissent les plantes sans nom.

À Istanbul, dans les friches, dans les espaces vides entre deux maisons que les hommes se sont fatigués d’occuper, sur les parois de la  muraille de Théodose, dans les constructions du bazar égyptien, sur les moulures des façades de Beyoğlu, autour de l’embrasure des fenêtres, au-dessus des médaillons, à la jointure des marches, le long des trottoirs pousse l’anonyme, l’invisible, l’inconnue, l’ubiquitaire pariétaire, Parietaria Judaica, la Pariétaire de Judée, de la famille des urticacées : ne dépassant pas 40 cm de haut, tige couchée-ascendante, rameuse (ce qui la distingue de la pariétaire officinale aux tiges non ramifiées), feuilles ovales à sub-orbiculaires, acuminées, généralement longues de 1-3 cm, bractées sépaloïdes, soudées à la base. Tiges rougeâtres. Fleurs petites et verdâtres, groupées à l’aisselle des feuilles. Tout pour passer inaperçue. On peut ajouter : racines rouges, ligneuses, très solides, très ramifiées qui s’infiltrent entre les pierres, dans le crépi ancien, dans les fissures du béton. Elle est inextirpable. Mais qu’est-ce qu’elle mange ? La ville, peut-être.

On l’aura compris, elle est partout. Elle supporte quelques compagnes, la morelle noire, Solanum nigrum, doucement toxique, l’amarante sauvage Amaranthus graecizans, le chénopode blanc Chenopodium album, l’armoise commune Artemisia vulgaris. Le plant de roquette Eruca sativa aperçu contre une clôture au pied de la Tour Sapphire dans le quartier moderne du Levent a-t-il quelque chance de grainer ?

Pour une fois faisons mention des plantes intentionnelles, celle qu’on a plantées un jour, et qui ont été acceptées par la ville, restant fidèles au lieu : tonnelles ombreuses de la vigne et du chèvrefeuille au-dessus des ruelles pentues où les hommes prennent le thé, un figuier dans un tournant de rue, des belles-de-nuit Mirabilis Jalapa ouvrant leurs corolles roses et jaunes le soir tombé quand une femme vient en prendre soin…


Nous vous invitons à lire les précédents épisodes de cette botanique urbaine : Stockholm et Madrid.

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À Istanbul comme ailleurs — Relations urbaines #25

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